Evangéliser en contexte colonial

Eric Roulet – Université du Littoral Côte d’Opale (ULCO)

Communication donnée au sein du séminaire ATECOLE (Atelier du Colonial et des Empires) organisé par l’Université-Paris I-EHESS-ULCO et dirigé pour la présente session (14 janvier 2014), par Gregorio Salinero.

Père jésuite au Brésil, Anonyme, XVIIIe siècle (source wikimedia commons)

Père jésuite au Brésil, Anonyme, XVIIIe siècle (source wikimedia commons)

L’objet de ce séminaire n’est pas de revenir sur l’évangélisation en tant que telle, parce qu’il y a une bibliographie conséquente, sur tous les espaces, et beaucoup de reparutions, qui même si elles ne renouvellent pas l’approche historiographique, restent malgré tout fort utiles.

Il ne s’agit pas non plus de regarder l’évangélisation comme un phénomène institutionnel ou d’acculturation, mais de poser la question du lien de l’évangélisation et du contexte colonial. L’évangélisation fait partie du projet colonial. Ce sont deux termes indissolublement liés. Il n’y a pas de conquête ou d’empire sans évangélisation en Amérique, en Afrique ou en Asie.

Il apparaît que ces deux termes semblent très proches, au moins dans l’intention : évangéliser pour coloniser ou coloniser parce qu’on évangélise – pour reprendre les termes des bulles papales ou dans les cédules de la monarchie espagnole1.

Il convient de s’interroger pour savoir si évangélisation et colonisation vont toujours de paire, si l’un des deux termes peut limiter l’influence de l’autre phénomène, s’ils sont dans une même logique – coloniser et évangéliser. Les deux termes relèvent de deux autorités différentes : l’évangélisation est d’abord d’une logique de l’Eglise avant même de l’Etat. Les textes qui encadrent l’évangélisation émanent d’abord de la papauté, puis sont repris par la monarchie et le conseil des Indes. Ensuite, la logique de colonisation appartient à la couronne castillane.

Il apparaît que la colonisation a un objectif finalement matériel : prendre possession des territoires et les peupler, tandis que l’évangélisation a surtout une finalité spirituelle, puisqu’il s’agit de faire rentrer dans le monde catholique les peuples qui n’ont pas connu les lumières du christianisme.

Dès lors, ces deux termes, évangélisation et colonisation, peuvent se contrarier l’un l’autre, se contredire : ils se limitent entre eux. Ce processus d’évangélisation du monde, sur lequel il peut y avoir débat, contient ses propres contradictions. Celles-ci ont été signalées depuis très longtemps, dans certains ouvrages très anciens dont les problématiques et l’écriture peuvent sembler aujourd’hui dépassées. L’un des livres pionniers sur cette réflexion est celui de Lewis Hanke paru en 19522, héritier de l’historiographie des années 50, vieilli sur de nombreux aspects, élégiaque sur la politique d’évangélisation, mais qui met en exergue ses propres contradictions puisqu’il s’appuie essentiellement sur le cas de Saint Domingue, à travers les portraits de fray Antonio Montesinos et de fray Bartolomé de Las Casas, qui montrent bien les premiers heurts, les premières contradictions du colonisateur.

Cette communication concerne principalement le cas de la Nouvelle Espagne, avec quelques rappels sur les Antilles, puisqu’avant la conquête du Mexique, il y a eu la conquête des îles qui est le premier essai de mise en place de cette colonisation par les Ibériques et en même temps les premières grandes tentatives d’évangélisation. Les Antilles ne sont pas seulement un exemple : nombre de missionnaires qui œuvrent dans les Grandes Antilles passent ensuite en Nouvelle Espagne. Il y a donc une influence évidente entre ce qui a été fait dans les Grandes Antilles, à Saint Domingue et ce qui va être accompli, soit dans la continuité, soit dans la contradiction, en Nouvelle Espagne. Ces phénomènes coloniaux s’entretiennent les uns les autres, grâce à la circulation des idées et des expériences. Les Philippines conquises à partir de la Nouvelle Espagne sont influencées par le modèle de la conquête et par l’évangélisation. Tous les évangélisateurs sont passés par la Nouvelle Espagne, notamment chez les Franciscains et les Dominicains, avec des retours d’expérience qui se cristallisent. Ce ne sont pas des espaces clos, où les idées ne circuleraient pas, où le temps serait forcément long. Les choses peuvent se faire très rapidement. Les voyages aux Philippines peuvent durer jusqu’à trois ans (aller-retour), mais il y a aussi des navires plus rapides et des voies terrestres qui permettent une communication plus rapide. Les correspondances privées sont également une source essentielle : entre Pérou et Nouvelle Espagne, les expériences circulent librement…

Deux points importants sont à regarder. Il faut revenir sur les conditions de l’évangélisation, non pour en faire un portrait, mais pour comprendre comment on évangélise en contexte colonial.

La deuxième partie portera sur la façon dont les intérêts matériels de l’Eglise ont pu contrarier l’évangélisation, qui certes est une œuvre pieuse, de salut, mais dont les hommes appartiennent à une institution qui doit aussi trouver des moyens de subsistances. Ils acquièrent des propriétés, des titres, des esclaves et de la main d’œuvre, entrent dans le jeu colonial, en contradiction avec la mission d’évangélisation.

Enfin, il conviendrait de regarder comment les autres groupes qui composent la société coloniale se sont impliqués ou se sont opposés dans ce processus car les sociétés coloniales ne se limitent pas aux missionnaires. Mais ce point ne sera pas développé ici et sera juste évoqué à la fin de l’intervention

I – Les conditions générales de l’évangélisation

Plusieurs questions peuvent se poser :

– Est-ce que l’évangélisation est nécessaire ?
– Est-elle légitime, au sens du droit civil et de celui de l’Eglise ?
– Jusqu’où l’évangélisation peut-elle être menée ?
– N’est-elle pas complice du système d’évangélisation ?
– N’est-elle pas en contradiction avec des éléments propres au christianisme ?
– Jusqu’où l’Eglise et les missionnaires peuvent-ils tolérer des abus sans les dénoncer ?
– Jusqu’où peut-on faire un compromis entre les nécessités d’évangélisation, d’un mouvement spirituel et les réalités matérielles imposées par le phénomène colonial et la couronne ?

A) L’importance de l’évangélisation pour la couronne

L’évangélisation prend sa source dans le contexte de la découverte par Christophe Colomb dès 1492 des Grandes Antilles, du développement de l’influence des Castillans sur les autres îles des Antilles, notamment Cuba, au début des années 1510, puis sur l’isthme de Panama, et enfin en Nouvelle Espagne à partir de 1519.

Il faut remonter à la bulle du pape Alexandre V, Inter Caetera de 1493 où il est expressément indiqué que la colonisation et la prise de contrôle des territoires doit s’accompagner « d’enseigner aux habitants et indigènes la foi catholique et à les former aux bonnes mœurs ». Il faut donc les faire entrer dans l’Eglise catholique et les former aux bonnes mœurs. On voit que le phénomène d’évangélisation s’accompagne d’un phénomène d‘acculturation (les bonnes mœurs). Il faut faire entrer les Indiens dans un schéma social conforme aux pratiques européennes.

Quand on regarde les récits des navigateurs, des découvreurs, des conquérants, certaines mœurs ont beaucoup effrayé les hommes venus de l’Ancien Monde : d’une part le concubinage et la polygamie qui s’opposent au sacrement du mariage – pilier de la société d’Ancien Régime – et d’autre part les rites religieux qui sont aussi des rites sociaux – le sacrifice sanglant (sacrifice humain) jusqu’à l’anthropophagie qui est le résultat d’un rituel sacrificiel. Il faut oublier quand même les gravures de Théodore de Bry qui montrent de prétendus étals de viande humaine, même s’il y a bien eu par ailleurs de véritables pratiques d’anthropophagie.

Cette volonté d’évangélisation est reprise par les rois catholiques, puisqu’elle fonde leur droit à s’accaparer les terres du Nouveau Monde. Dans les grandes instructions, les rois catholiques reprennent toutes ces indications. Ils le font d’autant plus facilement qu’ils ont obtenu du pape, par plusieurs bulles, le patronage des Indes : l’organisation non pas de l’évangélisation, mais l’organisation de l’Eglise du Nouveau Monde. Toutes ces bulles sont des reprises des bulles octroyées aux rois portugais pour leur expansion en Afrique, étendues aux souverains catholiques, puis des territoires africains vers les territoires américains.

Il faut préciser que cette évangélisation est très organisée, par plusieurs bulles : une première bulle de Léon X de 1521 confie aux ordres mendiants le soin de prêcher et de donner les sacrements (l’évangélisation est confiée surtout aux franciscains et dominicains). La raison principale vient de l’histoire de l’Eglise dans la péninsule ibérique : les ordres mendiants franciscains et dominicains ont été réformés au tout début du XVIe siècle, par la politique du cardinal Cisneros. Les ordres mendiants qui sont envoyés au Nouveau Monde sont toujours des observants, la branche qui prône le retour à la règle originelle. Dans le cadre de la Nouvelle Espagne, les premiers évangélisateurs appartiennent aux courants réformateurs qui préfigurent les déchaux, qui se développeront dans la péninsule dans la deuxième moitié du XVIe siècle. La mission des Douze qui arrive en Nouvelle Espagne en 1524, appartient à la province de San Gabriel qui est profondément réformée et qui est un des fers de lance de la réflexion sur la pauvreté. Quand ces douze religieux arrivent à Vera Cruz, ils vont, d’après les chroniqueurs, pieds nus jusqu’à Mexico.

La bulle du 9 mai 1522, Omnimoda, en l’absence de la structure d’une église hiérarchisée dans les terres du nouveau monde, confie aux ordres religieux, notamment à leurs prélats, toute l’autorité apostolique. Ils la reçoivent du pape partout où il n’y a pas d’évêque ou si ceux-ci sont à plus de 2 jours de marche (plus de 40 km d’un siège épiscopal). « Toute l’autorité apostolique », signifie qu’ils peuvent donner les sacrements (sauf l’ordination sacerdotale, qui ne peut être accomplie que par un évêque), mais aussi qu’ils peuvent établir des tribunaux de l’Inquisition, avec une première inquisition « monastique » qui est confiée aux prélats des ordres religieux, d’abord franciscains puis dominicains. L’évangélisation est certes une œuvre de persuasion, mais c’est aussi une œuvre qui demande à être encadrée, voire à être répressive. Certains Indiens dans les années 1530-1540 sont traduits devant cette juridiction.

Les conflits de juridiction enveniment les débuts de la colonisation en Nouvelle Espagne, dans le domaine civil et religieux, et la transmission des ordres et des charges est de plus en plus problématique, mais ces difficultés ne font pas l’objet de cette communication. En revanche, il faut s’attarder sur la façon dont les missionnaires fonctionnent, administrent ou suivent sinon leur mission, presque leur ministère.

B) L’administration de la mission

Les religieux arrivent pour l’essentiel après la chute de Mexico, après 1521. Déjà des religieux accompagnaient Hernan Cortés, mais durant la phase de conquête, il n’y a pas eu de campagne d’évangélisation. Dans les chroniques et les récits des témoins de la conquête, on voit que les quelques tentatives d’évangélisation menées par Cortès ou quelques autres prêtres n’ont pas toujours été très bien ressenties par les alliés indigènes de Cortès. Cette politique est donc passée rapidement au second plan, Cortès privilégiant l’alliance politique des indigènes, plutôt que la politique religieuse. Les choses changent lors de la défaite des Indiens à Mexico en 1521.

Une première mission arrive en 1523, avec trois franciscains originaires du couvent de Gand, la ville de l’empereur, qui viennent pour institutionnaliser la mission qui est amenée à se développer et peut-être même déjà pour faire un rapport à l’empereur sur les difficultés du terrain et les réalités de ce nouveau pays. Il y a cependant peu de sources pour étayer cette hypothèse. Les archives des franciscains à Rome ne contiennent aucun document du XVIe siècle et les documents de Gand qui pourraient nous informer là-dessus ont disparu. Toutes les archives déposées au couvent de Saint François de Madrid ont été perdues au XIXesiècle, au moment de la querelle du libéralisme et de la sécularisation des biens du clergé. Seules demeurent quelques lettres de l’un de ces religieux, Pierre de Gand, mais elles rapportent très peu de choses sur les circonstances de sa mission de 1523.

La mission de 1524, dite la « mission des Douze », est très claire dans ses intentions : c’est une mission apostolique. On est en train d’écrire une nouvelle page de l’histoire du christianisme, et c’est comme cela qu’elle est vécue. Le fait que ce soient des observants renforce cette dynamique. Une vaste littérature s’est développée dès le XVIe siècle par les acteurs même de cette aventure : on trouve plusieurs récits, dont un manuscrit de fray Francisco Jimenez qui date de la fin des années 1530 et une Histoire des Indiens de la Nouvelle Espagne de fray Toribio de Benavente dit Motolinia, manuscrit composé entre 1536 et 1541. Ce sont deux acteurs de premier plan qui livrent leurs témoignages. Ce sont des relations destinées à l’ordre, déposées dans les archives des couvents et il faut faire attention quand on utilise ce type de document, de bien prendre conscience de la finalité qu’ils avaient eux-mêmes.

Par la suite, d’autres relations seront faites par les religieux des vagues missionnaires suivantes, qui seront souvent publiées, notamment la Monarquia indiana de fray Juan de Torquemada publiée à Séville au début du XVIIe siècle, qui reprend les récits antérieurs et donne un éclairage différent. Alors que dans les premiers récits, on mentionne certains doutes et certaines interrogations (des pratiques souvent rudes sont évoquées), dans l’historiographie suivante, on privilégie au contraire l’image du missionnaire, forcément en phase avec la règle originelle de saint François, très pieux. La mission n’est évoquée qu’au second plan. On a des portraits de personnes et peu de choses sur leurs actions.

C) Les difficultés de la mission

Le risque pour les missionnaires, qui sont eux-mêmes Espagnols, est d’être compris comme des agents du nouvel ordre politique et moral imposé par les Espagnols. Quelle est leur possibilité pour convaincre les Indiens qui sont les vaincus d’intégrer l’ordre espagnol ?

Celui qui entraîne la première mission des Douze, fray Martin de Valencia, se pose la question de la confusion entre politique et évangélisation. Il souligne que les Indiens peuvent se montrer assez réticents à se convertir. Dans une lettre, Valencia mentionne que la guerre, les abus des Espagnols font que les Indiens se montrent très réservés, sinon réticents, à accueillir les religieux. En 1524, on est encore dans une phase de développement de la conquête dans le Mexique central, de fortes tensions : ce contexte peut expliquer que les communautés indigènes se montrent finalement assez réservées.

Toute la tâche de ces premiers missionnaires est de persuader, de convaincre et pour cela de développer des stratégies qui favorisent l’acceptation par les Indiens de l’ordre colonial et de l’évangélisation. Par exemple, se montrer assez proche des Indiens, en vivant au plus près d’eux, en parlant leur langue, car une des premières difficultés qui se pose est la façon d’échanger. Il n’est pas facile d’expliquer la complexité de la doctrine catholique à des populations qui ne parlent pas un mot d’espagnol, à une époque où les débats théologiques sont très importants, au moment de la crise luthérienne, d’une volonté de redéfinition de la place de l’Eglise dans la société et dans l’Etat, d’une redéfinition des dogmes de l’Eglise. Certaines ressources ont été utilisées par les religieux, gestes et dessins, qui ne peuvent que faire approcher la religion aux nouveaux convertis. Expliquer la sainte Trinité à des polythéistes par des gestes et des dessins n’est pas vraiment efficace. La question n’est pas nouvelle dans l’Eglise, elle a été posée lors de l’évangélisation de l’Europe orientale à l’époque médiévale, mais cette pratique est retombée, puisque le contact religieux se fait ensuite essentiellement avec les musulmans ; aussi la question ne se pose pas dans les mêmes termes. Même si on peut faire des parallèles entre la conversion des Morisques en Espagne et celle des Indiens en Nouvelle Espagne, le contexte de croyance, le contexte social, l’habitude, les choses ne peuvent pas véritablement être comparés.

Il convient aussi de préciser que si les Indiens peuvent avoir une certaine appréhension à suivre les préceptes de l’Eglise catholique, tous les religieux qui veulent accomplir la mission ne sont pas non plus dans la même démarche. Après la mission des Douze, qui est assez particulière, les missions qui suivent et s’enrichissent de Dominicains, d’Augustins, n’ont pas la même vision de l’évangélisation.

Pour les premiers Franciscains, il s’agit d’abord de baptiser pour sauver. Les premiers franciscains vont baptiser « à tour de bras ». Ce sont des baptêmes collectifs : on marie même les Indiens de façon collective.

Les autres ordres ont des visions différentes, notamment les Dominicains, qui ont une vision de l’Indien plus réservée. Les chefs des missions dominicaines sont très sceptiques sur les capacités des Indiens à embrasser la foi catholique. Au début des années 1520, des Dominicains ont tenus des propos durs sur les Indiens. Fray Tomas de Ortiz, parlant des Indiens de la terre ferme, écrit qu’ils ne sont pas aptes à la doctrine chrétienne tellement leurs vices sont nombreux  : « […] les hommes de la terre ferme des Indes mangent de la chair humaine et son sodomites plus qu’aucun autre [peuple]. Ils n’ont aucune justice […]. Ils tiennent pour rien de tuer et d’être tués […]. Ils sont versatiles […], ils sont ingrats avec leurs amis, […] ils sont bestiaux dans leurs vices. [… ] quand ils oublient les choses de la foi qu’ils ont apprises, ils disent que ce sont des choses pour ceux de Castille et non pour eux ». On voit bien que les indigènes ont aussi produit du discours. On a peu de discours produits directement par les Indiens mais, par les retours des missionnaires, on peut voir les types d’arguments que les élites indigènes ont  pu développer dans leur réticence face à la religion chrétienne.

Fray Domingo de Betanzos présente aussi les Indiens comme des bêtes incapables de toute formation chrétienne. Les propos tenus par de Betanzos, qui participe à la première mission dominicaine, sont dénoncés par les autorités civiles et notamment par les auditeurs, notamment en 1533, dans le cadre d’un échange de courrier très important qui vaudra à de Betanzos de devoir se justifier. Il s’agit de comprendre pourquoi on a deux attitudes entre Franciscains et Dominicains dans la mission d’évangélisation dans la construction de la société coloniale.

On peut penser que ces deux dominicains s’appuient sur leur vécu : ils viennent des Grandes Antilles, ont fait leurs classes à Saint-Domingue et ont pu constater la difficulté des Indiens à intégrer l’ordre colonial et surtout la disparition de la population indigène. Quand ils arrivent sur le continent américain, ils pensent que la population indigène va disparaître comme elle a disparu des Grandes Antilles. Epidémies, guerres, abus, exploitation de la main d’œuvre conduisent rapidement à une baisse démographique très importante des populations du centre du Mexique. Ils ont aussi une vision des Indiens, de façon générale, négative : ils sont à leurs yeux incapables d’un gouvernement, bestiaux… Ces Indiens ne reflètent pas la belle part humaine.

Les Dominicains sont surtout attentifs à suivre la règle originelle de saint Dominique, parce que ce sont des observants. Ils sont assez peu portés sur la mission. On peut se demander d’ailleurs si les ordres mendiants avaient forcément fonction de faire la mission ou bien s’ils préféraient se consacrer au cœur même de leur religiosité, de la prière, de l’oraison et de la construction et de l’extension de leur propre ordre religieux en Amérique.

Il y a une question stratégique au niveau des ordres et des responsables de ces ordres à cette époque. Franciscains et Dominicains sont d’abord des individus. Il s’agit bien de vécus d’individus. Au début du XVIe siècle, il y a une soixantaine de religieux pour tout le Mexique, pour un pays qui compte plusieurs millions d’Indiens. Le vécu personnel a tendance à prendre le pas sur une vision plus globale des choses et donne davantage de perspective au mouvement d’évangélisation.

D’autres religieux dominicains sont plus attentifs aux Indiens. Ainsi, fray Julian Garcés est le premier évêque nommé au Mexique, qui occupe l’évêché de Tlaxcala, fondé dans une ville indigène. Il se montre très protecteur avec les Indiens, intervient en 1537 auprès du pape pour obtenir une bulle qui les protège,  et qui établit que les Indiens sont dignes et capables de recevoir la doctrine chrétienne. Jamais on n’a dénié une humanité aux Indiens ou aux populations rencontrées.

Cette attention s’accompagne toujours de violences : l’évangélisation s’inscrit dans son siècle. Le XVIe siècle n’est pas particulièrement pacifique : on a du mal  à comprendre l’altérité religieuse, culturelle, même si de grands efforts sont accomplis en la matière et surtout les missionnaires sont persuadés d’agir, sinon dans le sens de l’histoire, du moins d’œuvrer à la gloire du christianisme et imposent partout le catholicisme.

Or, imposer le catholicisme, ce n’est pas seulement convertir, c’est aussi inscrire le catholicisme dans le paysage américain, en érigeant des croix, en détruisant les sanctuaires anciens ou prétendument anciens, des idoles… qui sont autant de traces d’un passé indigène que l’on ne connaît pas et que l’on ne peut/veut pas identifier. On connaît bien le cas des livres peints des anciens Mexicains, les codex, pris et détruits par les religieux. Ces livres n’étaient pas toujours des livres religieux, mais des livres de comptes, de livres de tribus, des généalogies, peut-être même des histoires avec des pictogrammes. Les Espagnols, ne comprenant pas ces signes, les ont considérés comme des objets de culte, d’idolâtrie. C’est une violence qui se matérialise, à l’encontre de bâtiments et d’objets qui ne sont pas seulement des objets de culte, mais aussi d’identité, de mémoire et d’appartenance culturelle. Ces mouvements ont été très mal perçus par les Indiens. Les chroniques mentionnent parfois des ambassades des élites indigènes venant auprès des autorités civiles se plaindre des offensives menées contre les idoles, notamment à Mexico. Cela rejoint les réticences des Indiens vis-à-vis de l’ordre voulu par les Espagnols.

L’Inquisition prend le relais de ces violences. Peu d’Indiens ont été traduits devant les tribunaux religieux, mais de nombreux objets de culte anciens ou d’objets censés être des objets de culte, ont été détruits lors de ces procès, lors d’autodafés sur les places centrales des villages.

La violence est aussi une violence sur les hommes. Les religieux exercent une pression sur les Indiens. Les grandes ordonnances de villages qui apparaissent dans les années 1530 insistent sur le fait que les Indiens convertis doivent aller à la messe, écouter la parole chrétienne et des mesures sont prises à l’encontre des Indiens récalcitrants, allant de quelques coups de fouet jusqu’à la prison. Si ces ordonnances existent, on n’en connaît pas la portée, mais dans certains endroits éloignés des grands centres de commandement, de telles pratiques ont pu voir le jour. Dans certains villages de l’évêché de Mexico, tenu en encomienda par l’évêque, celui-ci avait une prison et un cep pour attacher les prisonniers, pour qu’ils y soient fouettés. Cet objet peut être peu utilisé, mais symbolique, équivalent du gibet devant le château féodal.

A coté de la persuasion, de la violence, des outils sont développés pour communiquer ; dans le domaine linguistique, les religieux développent une grande activité pour transcrire les principales langues du centre du Mexique en caractère latin, produire des vocabulaires, des grammaires et traduire les principales prières chrétiennes dans les langues parlées par les Indiens. De nombreux ouvrages seront ainsi publiés, car rapidement, une imprimerie a été installée à Mexico, sous l’autorité de l’évêque de Mexico, annexe de l’un des grands éditeurs de Séville, Juan Cromberger, qui aide à la diffusion de ces modèles linguistiques pour toucher au mieux les Indiens, en prenant toujours en considération, beaucoup d’éléments de la vie indienne, sur les questions de polygamie, sur les sacrifices… Il y a véritablement une volonté d’ancrage non seulement linguistique, mais aussi culturel pour mieux toucher les Indiens, avec une progression de l’apprentissage des langues indigènes patente chez les religieux. La plupart des missionnaires en charge d’Indiens connaissent au moins une langue indigène, ce qui n’empêche pas d’avoir recours à des traducteurs, étant donné la diversité des langues pratiquées par les Indiens.

S’inscrivant dans cet ordre, les missionnaires n’ont pas toujours été les complices du système colonial. Ils ont su à plusieurs reprises s’opposer au système colonial, en dénoncer les abus. L’exemple canonique en est le sermon de fray Antonio Montesinos de 1511 à Santo Domingo contre l’encomienda, et ses suites. Montesinos, convoqué devant Ferdinand, saura le convaincre, sinon du bien fondé de ces accusations, du moins de revoir le système de l’exploitation des Indiens (selon les lois de Burgos de 1511). D’une certaine façon, les missionnaires s’intègrent dans le schéma de colonisation, mais savent aussi en sortir. Ils peuvent dénoncer les abus de la colonisation. Ils sont de la même façon proches des Indiens qu’ils évangélisent et sont aussi très exigeants envers eux. Il est difficile de tracer une ligne de séparation entre les bons et les méchants. Toute réflexion sur l’ordre colonial invite à avoir une vision très duelle des choses, alors que c’est plus complexe.

L’une des choses qui brouille le plus les pistes et contrarie le rapport entre colonisation et évangélisation, ce sont les intérêts de l’Eglise dans le développement de cette société coloniale.

II – Les intérêts de l’Eglise

L’Eglise en tant qu’institution a un intérêt à se constituer matériellement et à pouvoir vivre. D’autre part, elle doit être attentive au message qui est délivré. Tous les missionnaires doivent délivrer un message orthodoxe de la doctrine catholique, d’où la réaffirmation de l’orthodoxie qui trouve sa pleine expression, à partir des années 1570 en Nouvelle Espagne, quand les canons du concile de Trente seront appliqués et correspondront à la venue d’un nouvel inquisiteur et d’un nouvel archevêque de Mexico..

A) La dîme

Une des premières questions est celle des dîmes qui « empoisonne » la construction de cette église et perturbe en grande partie le mouvement d’évangélisation. La question est de savoir si les Indiens convertis doivent être soumis à la dîme. Tant qu’il n’y a pas d’Eglise solidement établie, pas d’évêque, de chapitres cathédraux, de paroisses, que les ordres mendiants dominent le paysage, il n’a pas été question de dîme. La question se pose avec l’institutionnalisation de l’Eglise et l’établissement des premiers sièges épiscopaux. Même si ces sièges sont confiés à des membres des ordres mendiants, la position soutenue auparavant est mise de côté. Cette question est essentielle au fonctionnement de l’Eglise, pour le financement de ses activités de construction, de paiement ou de rétribution du corps, et aussi parce que la dîme symbolise de façon forte le lien entre Eglise et croyants.

L’Eglise de Nouvelle Espagne a d’autres sources de financement : en vertu du patronage des Indes, c’est la monarchie qui rétribue en grande partie les clercs et participe aux constructions.D’autres acteurs participent matériellement à la vie de l’Eglise : les encomenderos, qui doivent entretenir un clerc et œuvrer à la construction d’une église dans l’encomienda. La question n’est pas seulement le financement, mais aussi l’établissement de l’autorité et le renforcement de la position de l’Eglise vis à vis des populations indigènes.

Le débat parcourt tout le XVIe siècle, avec une monarchie toujours soucieuse du compromis. Tout au long de la période, certains parlent d’une « valse d’hésitations » de la monarchie, mais il s’agit plutôt d’une prudence de la monarchie à aller dans un sens ou un autre. Pour transiger, les Indiens doivent finalement payer la dîme, mais perçue seulement sur certains produits. On réduit alors l’assise de la dîme. La dîme ne porterait que sur les grains, le blé et la soie. Il faut attendre les grands conciles mexicains de 1555 et 1565 pour voir des oppositions entre les partisans de la dîme et les opposants à la dîme payée par les Indiens.

La querelle commence en 1555 par la publication d’un ouvrage par un Augustin, De la Dîme,­ par Alonso de la Vera Cruz, dans lequel il conteste la levée de la dîme. Cette contestation manifeste véritablement une opposition des religieux au clergé séculier. Ils veulent garder leur emprise sur les Indiens, garder le contrôle des doctrines (unités de catéchèse) et refusent de voir se développer la sécularisation des paroisses, la mise en place de curés et la constitution d’une église trop institutionnelle et trop soumise au pouvoir politique. C’est un rêve qui finalement parcourt tout le XVIe siècle, d’une Eglise humble, pauvre, proche des populations, développée par les religieux.

Dans le détail, le combat mené par les ordres religieux est aussi mené pour la défense de leurs propres intérêts. En 1555, notamment chez les Augustins, les ordres religieux ont accumulé des biens : terres, Indiens, moulins. En contestant la dîme, cela leur permet de préserver leur potentiel économique et leur emprise sur les populations indigènes, alors même que l’évêché réclame aussi ces prérogatives. Il y a un impact sur les populations : les religieux fortement implantés dans les villages soulèvent les Indiens à plusieurs reprises pour refuser l’implantation d’un curé, allant même jusqu’à chasser le curé nommé par l’Eglise ou ne pas lui donner sa subsistance et refuser d’aller à la messe. Cela qui a pu être vécu de la part de l’autorité ecclésiastique, comme un échec de l’évangélisation, pour des populations qui ne veulent pas entrer dans le schéma de l’Eglise catholique.

L’opposition entre religieux et séculiers connaît un autre prolongement : pour les réguliers, les Indiens doivent avoir toute leur place dans la nouvelle Eglise. Cela peut même aller jusqu’à occuper des charges et des responsabilités au sein de l’Eglise. Ce ne sont pas seulement des « auxiliaires » de l’Eglise. Il est vrai que les religieux étant peu nombreux, ils ont favorisé certains Indiens, plus attentifs ou intéressés, en leur donnant certains charges : ils assurent un certain encadrement dans les villages et deviennent des auxiliaires indispensables des religieux. A une autre échelle, la question est posée lors d’une junte ecclésiastique en 1539 : faut-il ouvrir l’ordination aux Indiens ?

Cette question n’est pas nouvelle. En effet, il semblerait qu’à Saint Domingue, il y ait eu plusieurs tentatives de formation du clergé indigène. Dès 1512, des Indiens des Grandes Antilles ont été envoyés dans le couvent des Dominicains de Séville pour être formés. En Nouvelle Espagne, dès 1525, le contador de Nouvelle Espagne, Rodrigo de Albornoz, dans une lettre adressée à l’empereur, penche pour la formation des enfants des Caciques et des seigneurs de la Nouvelle Espagne pour accéder à la prêtrise. On voit au long des années 1520 certains fils de Caciques quitter la Nouvelle Espagne pour se former en Espagne.

Le projet de formation semble encore présent dans la fondation d’une grande institution, le collège Santa Cruz de Tlatelolco en 1536, voulu par l’évêque Zumaraga et le pouvoir. Les premières tentatives de formation n’ont pas été éclatantes. Rapidement, cette politique d’ouverture, que l’on voit dans la junte de 1539, est remise en cause en 1555 par les conciles mexicains suite aux errances de la politique de formation et par une volonté de reprise en main par la hiérarchie ecclésiastique de la formation des religieux. Au même moment, pendant le concile de Trente, la question de la formation des clercs devient centrale.

B) Economie et évangélisation

Les ordres religieux ont des intérêts économiques, mais ce ne sont pas les seuls qui peuvent contrarier le mouvement d’évangélisation. Les encomenderos ont pour souci de mettre en valeur leur encomienda et cela ne peut être fait que par le travail des Indiens. On voit que finalement les encomenderos sont davantage préoccupés par le développement économique de leur encomienda que par l’évangélisation. Dans les visites, on rapporte souvent qu’il n’y a pas d’église dans les villages, ou qu’une église a été commencée, mais pas terminée, qu’il y a le clocher, mais pas la cloche… On peut penser que les encomenderos ont même toléré les pratiques indigènes traditionnelles, qu’on appelle communément l’idolâtrie dans les documents, pour s’appuyer sur les Indiens pour le développement de leur encomienda. Ils s’entendent avec les Caciques qui organisent de la façon dont ils l’entendent la vie sociale, religieuse et administrative. Cela se poursuit dans les années 1570-80. Les choses changent ensuite avec les reformes tridentines et la reprise en main par les nouveaux pouvoirs. Il y a aussi un changement de génération. En 1570-80, il n’y a plus d’Indiens d’avant la conquête : beaucoup sont convertis, voire métissés et s’intègrent mieux dans cela.

Les questions économiques peuvent nuire énormément à l’évangélisation. Las Casas, un encomendero qui possède une grande encomienda très riche, à 500 km au sud de Mexico, Yanhuitlan, est accusé d’avoir toléré l’idolâtrie. Il s’entend effectivement avec les Caciques pour qu’ils lui fournissent de la main d’œuvre et les laisse en échange pratiquer leur culte, même les sacrifices sanglants, et va jusqu’à dire aux Indiens d’apporter dans sa propre maison les idoles et les objets du culte pour qu’ils soient protégés. La complicité est dénoncée par les dominicains du couvent voisin qui y voient une entrave évidente à l’œuvre d’évangélisation.

Evangélisation et colonisation vont de pair mais connaissent aussi des relations contrariées. A la fin du XVIe et au début du XVIIe, la reprise en main du contrôle social, religieux, politique du territoire fait en sorte que les deux phénomènes soient de plus en plus distincts.

Questions

Une première question concerne les pratiques d’anthropophagie que décrivent les missionnaires. S’agit-il de pratiques qui ont été véritablement observées par les missionnaires ou imaginent-ils ce qu’ils dénoncent ?

Eric Roulet répond qu’il y a une grande part d’imagination. D’une part, l’anthropologie rapporte que la pratique anthropophagique est traditionnelle dans les populations des Petites et Grandes Antilles, de la Terre Ferme et du Brésil. Dans le cadre du Mexique, on dispose quand même de codex coloniaux – faits par les Indiens à la demande des autorités religieuses, dans les années 1550-1560, pour connaître les pratiques de l’idolâtrie – qui rapportent des images d’anthropophagie. Dès qu’il y a un peu de sang, les religieux parlent de sacrifices humains. Pourtant, à l’époque coloniale, les sacrifices sanglants sont essentiellement des sacrifices d’animaux, mais on a souvent des références à des sacrifices humains. Ce ne sont pas les religieux qui les rapportent, mais dans plusieurs procès d’inquisition, des Indiens racontent des pratiques de sacrifices humains et d’anthropophagie. Un procès peu connu datant des années 1540 décrit bien un sacrifice avec consommation de la chair, selon un rite traditionnel. On ne consomme pas la tête, mais les membres.

Au XVIe siècle, on ne donne jamais l’eucharistie aux Indiens. Jusqu’aux années 1570, on les baptise, on les marie, mais on ne leur donne pas le principal sacrement – l’eucharistie – par peur d’assimilation par les Indiens de leurs pratiques anthropophagiques avec la consommation du corps du Christ.

A propos des sacrements, une question sur l’efficacité réelle du mariage est posée. A l’époque précolombienne, la polygamie existe, elle est pratiquée essentiellement par les élites. Elle perdure à l’époque coloniale mais on ne parle d’ailleurs pas de polygamie, mais de concubinage, puisque pour l’Eglise catholique, il ne peut y avoir qu’un seul mariage. Le concubinage a semblé demeurer dans les pratiques indigènes au moins jusqu’à la fin du XVIe siècle. La question du mariage est de toute façon très sensible, parce qu’elle se heurte aux pratiques traditionnelles et à une grande méconnaissance du schéma familial indigène. Les termes de la filiation et de la famille ne sont pas identiques. Souvent les cas d’incestes rapportés par les religieux ne sont pas de véritables incestes au sens biologique, parce qu’on est dans une parenté construite. Cependant, pour les religieux, que la parenté soit spirituelle ou biologique, c’est bien une parenté qui constitue aussi un empêchement de mariage.

Une autre question concerne la place des institutions charitables dans le processus d’encadrement des Indiens.

D’une part, il y a des écoles, des collèges, principalement pour les élites, qui sont une forme d’assistance parce que les élites ont été très décimées au moment de la conquête. On sait peu de choses dessus.

D’autre part, les franciscains ont développé des « petits hôpitaux » : ce n’est pas une forme d’assistance sociale comme en Europe, mais il s’agit de lutter contre l’influence des guérisseurs, dans les sociétés indigènes et de limiter l’influence des cadres traditionnels. L’assistance relève globalement de nouveaux ordres religieux qui arrivent à la fin du XVIe siècle, début XVIIe siècle, notamment à Mexico.

Sur la question des confréries, il y a peu de sources. Dans les grands sites d’implantation religieuse, il y a une volonté de monter des confréries assez tôt : dès les années 1530 à Tlaxcala, pôle d’implantation franciscaine, il y a une confrérie de l’Incarnation indigène, patronnée par les franciscains. A Mexico, une autre confrérie rassemblant les Indiens sous le patronage des Augustins est aussi connue. Avant les années 1570, on ne voit pas trop clair. Un concile mexicain de 1585, mentionne l’existence de plus de 300 confréries au Mexique. Le phénomène est assez tardif et se développe surtout à partir des années 1560. Dès la fin du XVIe siècle, il y a un maillage assez serré de ces confréries qui s’occupent essentiellement de l’organisation des fêtes religieuses, de l’assistance aux malades. L’objectif principal de la confrérie est de cadrer la pratique religieuse.

 

Compte rendu par Marie Goupil-Lucas-Fontaine, janvier 2014


  1. Le terme de colonisation n’apparaît pas comme tel à cette époque : on ne voit pas le terme d’évangélisation ni au XVIe ni au XVIIe, ni en Espagne, ni en France, mais on parle de « colon », d’ « appropriation » des terres et des richesses. Le terme qu’on trouve à cette époque dans le cas espagnol est le terme de « poblar », peuplement. En France, cependant, dès le XVIIe siècle, on parle de « colonie de peuplement ». Communément, on emploie le terme de colonisation, non pas en tant que phénomène, mais en tant qu’adjectif : on parle de société coloniale, de mouvement colonial, alors qu’on ne parle pas de phénomène de « colonisation ». Il faut prendre les mêmes précautions avec le terme d’ « empire ». 

  2. Lewis Hanke, The Spanish struggle for justice in the Conquest of America, 1952