Introduction au colloque “Revisiter la Querelle des Femmes, quatrième volet : Les discours sur l’égalité/inégalité des femmes et des hommes à l’échelle européenne de 1400 à 1800″
La Siefar (Société Internationale pour l’Etude des Femmes de l’Ancien Régime) nous a offert, pour la quatrième année consécutive, un magnifique colloque autour des discours sur l’égalité et l’inégalité des hommes et des femmes. Nous voulons faire ici un compte-rendu de certaines interventions, plus particulièrement seiziémistes . Mais commençons pas le commencement, l’introduction du colloque, qui contient deux axes : présentation de la Siefar et introduction au quatrième volet de “Revisiter laQuerelle des Femmes“.
I. La Siefar (Société Internationale pour l’Etude des Femmes de l’Ancien Régime)
La Présidente de la Siefar présente tout d’abord l’association et son site, qui présente un contenu scientifique, soumis à l’approbation d’un comité scientifique, très utile pour tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin aux femmes de l’Ancien Régime en France.
Les objectifs de la Siefar sont rappelés. Il s’agit :
- de faire connaître toutes les formes de savoir sur les femmes et les conditions d’existence des femmes.
- de montrer l’ancienneté de la présence des femmes dans nombre de domaines et la variété de leurs réalisations.
- de rendre visible des pans d’histoire et travailler à la conservation de savoirs menacés d’oubli, contribuer à l’approfondissement de la connaissance sur les questions de genre et sur sa construction.
- de favoriser les recherches dans le domaine du genre.
Ensuite, les moyens d’actions de la Siefar sont envisagés.
Outre l‘organisation de colloques et journées d’études, outre la participation à des manifestations scientifiques internationales (colloque à Liège, au Canada…), les réalisations qui ont été mises en avant concernent le site et sont les suivantes :
- la création d’un Dictionnaire en ligne des Femmes de l’ancienne France, qui présente des notices modernes (depuis 2002) composées par des chercheurs et des notices anciennes de dictionnaires du XVIe au XIXe siècle (dictionnaire de Fortunée Briquet, d’Hilarion de Coste…). Les notices concernent des personnages prestigieux mais aussi des inconnues.
- une section intitulée « La guerre des mots », qui revient sur la constitution de la langue. Il y est question des règles syntaxiques et orthographiques imposées par l’Académie française et qui accordent une place réduite au féminin.
- un répertoire des spécialistes du domaine (personnes, sites…).
La Présidente de la Siefar rappelle que l’association accueille toute nouvelle proposition de notice ou de contribution avec enthousiasme. Chaque élément du site est relu par le comité scientifique de la Siefar.
- Enfin, il est rappelé que la Siefar publie régulièrement des ouvrages : les quatre volumes des actes des colloques sur laQuerelle paraîtront aux Presses Universitaires de Saint-Étienne (le premier paraîtra en janvier 2012). La collection « La Cité des Dames » et des collaborations avec les éditions Honoré Champion sont aussi mentionnées.
La Présidente termine la présentation de l’association en s’excusant de devoir rappeler que la Siefar ne peut vivre sans dons et adhésions (http://www.siefar.org/adherer.html?lang=fr).
II. Introduction sur les choix qui ont présidé à l’élaboration du colloque Querelle 4.
Les trois colloques précédents, qui ont commencé en 2008, avaient eu pour objet la Querelle en France. Il s’agissait de proposer une réflexion sur un sujet finalement peu connu bien qu’on pense le connaître et d’exhumer des sources iconographiques et textuelles issues de la Querelle et trop peu exploitées. Toutes les disciplines sont intéressées par une telle recherche.
Les organisatrices du colloques sont parties du constat de la place encore trop discrète des femmes dans l’espace politique français. Par conséquent, elles ont choisi de remonter le temps : le premier colloque portait sur la période 1750-1810, le second sur les années 1600-1750 et le troisième sur 1400-1600. Ces colloques ont permis de prendre la mesure de l’envergure et de la polysémie du phénomène, de la diversité du domaine, de la construction du féminin et du masculin comme phénomène socio-culturel. Ils ont apporté un regard neuf sur la question. Tout cela sera bientôt disponible dans la publication des actes. Un aperçu est déjà visible sur le site d’Éliane Viennot, qui a rendu publique l’introduction copieuse et hautement nécessaire qu’elle a écrite pour le premier volume de la Querelle: elle revient sur l’historiographie de la Querelle, fait un état des lieux de la recherche française à ce sujet et propose ses propres hypothèses, très stimulantes, sur les origines de la Querelle.
Le quatrième volet s’attache à l’Europe. Ceci est à première vue contraire aux ambitions de la Siefar, qui s’intéresse aux Françaises ou aux femmes ayant eu des liens avec la France. Cependant, il est apparu très tôt qu’on ne pouvait rendre justice au phénomène en ne s’attachant qu’à la France. Il semblait nécessaire de prendre en compte la circulation des topoï sur le mariage, les femmes de lettres etc. Des récits récurrents sont visible en Europe, issus d’Aristote et de la Bible par exemple. Il fallait mesurer l’originalité de ce débat par la confrontation avec d’autres aires culturelles.
Le comparatisme s’entend dans toutes ses dimensions. La circulation des idées et des images est flagrante : Moderata Fonte s’inspire de Christine de Pizan qui s’inspire de Boccace. Les pétrarquistes italiens influencent Louise Labé. Il faut donc analyser les phénomènes d’intertextualité et de circulation des idées à travers les traductions. Les éducatrices françaises comme Madame de Genlis étaient très appréciées aussi en-dehors de la France. Ainsi, il faut repenser les lieux de diffusion de la Querelle (cours, salons…). Il y avait des passeuses entre les cultures, ce qui ressemble à un féminisme avant la lettre. Enfin, la Querelle ne se limite pas aux textes : il s’agit de voir les circulations d’idées entre les textes, la musique et les images.
La nécessité d’un colloque comparatiste s’est donc imposée. Néanmoins, pour éviter la dispersion, il a été décidé qu’il se concentrerait sur la circulation de la Querelle par rapport au contexte culturel français. Cependant, une table ronde a été organisée pour que l’état de la recherche sur la Querelle dans d’autres pays européens (en l’occurence, Espagne, Italie et Allemagne) soit connu.
Communications seiziémistes.
Au milieu de toutes ces interventions passionnantes, quatre communications retiennent particulièrement l’attention des seiziémistes :
– Catherine Deutsch, « Musique et “excellence des femmes” entre Renaissance et Baroque ».
– Verushka Lieutenant-Duval, « L’”equus eroticus” ou l’image de la femme qui chevauche l’homme dans la gravure européenne au XVIe siècle ».
– Claire Gheeraert-Graffeuille, « Les métamorphoses d’un paradoxe : Les traductions anglaises du Declamatio de nobilitate et praecellenti foeminei sexus de Cornelius Agrippa au XVIIe siècle », qui analyse la réception d’un ouvrage du XVIe siècle au XVIIe siècle.
– Juliette Dor et Marie-Élisabeth Henneau, « Aventurières de Dieu sous le regard des clercs : la Querelle des femmes dans l’Église du XVe siècle entre Angleterre, France et Pays-Bas ».
Les autres communications sont dignes de retenir également l’attention pour les enjeux théoriques qu’elles proposent.
Nous n’en donnerons pas de compte-rendu parce qu’elles soint moins strictement consacrées à la période de prédilection de Cornucopia. Nous rappelons pourtant qu’elles sont très éclairantes sur la question de la définition de la Querelle. La table ronde a permis d’en montrer les enjeux historiographiques en Europe et à quel point le sujet était connu et théorisé, par exemple. Elle constitue une base nécessaire pour qui veut comprendre la Querelle.
Compte-rendu par Anne Debrosse, 29/11/2011