François Ier, Pouvoir et Image

Exposition de la Bibliothèque nationale de France du 24 mars au 21 juin 2015

Jean et François Clouet, Portrait de François 1er , v. 1527, Paris, Musée du Louvre (inv 3256)

Jean et François Clouet, Portrait de François 1er ,
v. 1527, Paris, Musée du Louvre (inv 3256)

 

Commissariat : Bruno Petey-Girard, professeur de littérature française du XVIe siècle à l’Université Paris-Est-Créteil

Magali Vène, conservateur des bibliothèques, chef du service Patrimoine écrit à la bibliothèque municipale de Toulouse

Commissaires associés : Estelle Boeuf-Belilita, conservateur à la Réserve des livres rares, BnF

Lucile Trunel, chef du service de l’action pédagogique, BnF.

 

C’est une exposition historique qui s’est ouverte à la Bibliothèque nationale de France ! Environ cent-vingt objets retracent la vie de ce souverain connu de tous les Français mais qui méritait un bon dépoussiérage. « 1515 : Marignan ! » C’est à l’occasion du cinquième centenaire de l’événement qui porta le jeune roi de 20 ans sur le trône que la BNF revient sur la carrière et la commande artistique de ce souverain ayant forgé la France de la Renaissance.

Le parcours de l’exposition se divise en six thématiques organisées de manière à suivre la vie du roi au travers des chefs d’œuvres de son temps. Ces sections sont scandées de panneaux explicatifs clairs et concis, ainsi que d’une frise chronologique très bien conçue.

 

François d’Angoulême, le roi à venir

La première partie de l’exposition est consacrée à la jeunesse du prince que rien ne destinait à devenir roi. C’est grâce au caprice de la Fortune et à l’action de sa mère, Louise de Savoie, que François d’Angoulême s’impose progressivement comme un souverain en devenir. Cette première partie accorde donc une grande importance à l’entourage féminin du prince, sa mère, mais aussi sa sœur Marguerite d’Angoulême et son épouse Claude de France.

Notons que l’exposition s’ouvre sur une extraordinaire épée d’apparat prêtée pour l’occasion par le Musée de l’Armée et qui commémore la bataille de Pavie en 1525. Le placement est judicieux, la qualité exceptionnelle de l’arme donnant le ton pour le reste de l’exposition.

Epée d'apparat  de François Ier, vers 1525, Musée de l'armée (musée de l'armée)

Epée d'apparat de François Ier, vers 1525, Musée de l'armée (musée de l'armée)

Est également présenté un grand nombre de manuscrits de qualité remarquable. Au sein des miniatures aux couleurs vibrantes, le jeune François Ier est tour à tour montré comme un modèle de justice, un prince guerrier, un amateur des Lettres et des Arts et un prince chrétien.

 

Le roi chevalier

Cette partie s’articule autour de l’armure également prêtée par le musée de l’armée. Présentée en pied sur un piédestal bas, elle permet de rendre compte de l’imposante stature du roi. Les pièces exposées suivent un ordre chronologique explicité à l’entrée de la salle par une frise chronologique. François d’Angoulême, couronné le 1er janvier 1515 sous le nom de François Ier, remporte la même année la bataille de Marignan contre les troupes suisses qui défendaient le duché de Milan. Après le décès de l’empereur Maximilien, François Ier se porte candidat à l’élection de son successeur mais échoue devant Charles Quint, élu le 28 juin 1519 roi des Romains et couronné empereur du Saint Empire romain germanique à Aix-la-Chapelle en 1520. La même année, le roi de France rencontre le roi d’Angleterre Henri VIII au Camp du Drap d’or, près d’Ardres dans le Pas-de-Calais. A cette occasion sont commandés au peintre Jean Bourdichon (1457-1521) trois manuscrits de la Description des Douze Césars dont une copie a récemment été acquise par la BNF grâce à un appel au don1. Ce manuscrit, exposé pour la première fois depuis son entrée dans les collections nationales, se distingue par la qualité exceptionnelle de ses miniatures.

Maître de Philippe de Gueldre, Présentation d’un livre au jeune François d’Angoulême, en présence de Louise de Savoie et Marguerite d’Angoulême, dans : Octavien de Saint-Gelais, Le séjour d’honneur, Paris, Antoine Vérard, circa 1505- 1506 BnF, Réserve des Livres rares

Maître de Philippe de Gueldre,
Présentation d’un livre au jeune
François d’Angoulême, en présence
de Louise de Savoie et Marguerite
d’Angoulême, dans : Octavien de
Saint-Gelais, Le séjour d’honneur,
Paris, Antoine Vérard, circa 1505- 1506, BnF

Les œuvres de cette section thématique sont donc remises dans leur contexte historique et permettent de comprendre la construction de l’image du roi, même si celle-ci épouse parfois peu la réalité politique. Les œuvres étrangères sont également très bien représentées, en particulier de beaux livres imprimés d’Europe du nord et dont on regrettera seulement que les titres n’aient pas été traduits pour les non-germanophones.

 

Le roi très chrétien

Les images du roi chrétien sont très hétérogènes et traduisent la personnalité complexe de François Ier, autant que son rôle politique et religieux dans l’Europe de la Renaissance au temps de la Réforme. Un beau portrait du souverain en saint Jean Baptiste de Jean Clouet, prêté par le musée du Louvre, sert de point focal à cette section qui apporte également un éclairage intéressant sur le projet de croisade par Charles X et l’accord passé entre le royaume de France et la Sublime Porte.

 

Vie de cour, vie des Lettres

L’espace dédié au mécénat du roi est organisé en deux étapes. La présentation d’image de la vie de cour permet de faire coexister le souverain et les lettrés, à travers des scènes de dédicaces. Le roi est montré en « père des Lettres », titre posthume mais déjà élaboré vers 1540. Plusieurs poèmes composés par François Ier permettent de se projeter dans la vie de ce souverain amateur des arts, alors que les partitions de musique montrent le devenir de ces compositions. On remarquera avec plaisir la très belle collection de reliures de cuir estampé et doré, marquées du sceau royal. Outre une très grande qualité de conservation, elles sont le reflet d’une commande artistique dense et d’une vie de cour brillante.

Saint jean Chrysostome, Homélies, X e siècle BnF, département des Manuscrits

Saint jean Chrysostome, Homélies, Xe siècle, BnF, département des Manuscrits

La seconde partie présente un ensemble de gravures des décors de la galerie de Fontainebleau. Malgré un accrochage sur deux niveaux qui ne rend pas aisée la lecture du registre inférieur – on imagine facilement que la scénographie répond ici à des contraintes d’espace – ces nombreuses gravures sous verre, de très belle qualité, donnent un aperçu très complet des somptueux décors de la résidence de chasse du souverain. Leur iconographie est complexe et répond à des représentations symboliques du roi. Les cartels qui accompagnent chaque gravure permettent au visiteur de comprendre ces allégories aux références nombreuses et intriquées.

 

L’exercice du pouvoir

Si l’arrivée au pouvoir de François Ier ne marque pas de changement immédiat avec la monarchie médiévale, son règne traduit une évolution vers un exercice du pouvoir personnel centré sur la figure d’un souverain transcendant. Cette transformation progressive mais profonde de la royauté française ne suscite pas beaucoup d’illustrations symboliques. Le pouvoir du souverain s’incarne plus concrètement dans la vie des sujets par la multiplicité de ses instruments et une diffusion large de son portrait, un ensemble de monnaies traduisant par exemple les changements physiques du roi. L’ordonnance de Villers-Cotterêts (28 août 1539) impose l’usage du français dans les actes officiels et marque le commencement de l’impression systématique et la diffusion des édits royaux. La lettrine F devient alors progressivement une nouvelle image du roi.

Claude de Seyssel, La Grant, Monarchie de France, circa 1515, Parchemin enluminé BnF, département des Manuscrits

Claude de Seyssel, La Grant, Monarchie de France, circa 1515, Parchemin enluminé
BnF, département des Manuscrits

 

Logiques du portrait royal

Cette dernière section se présente sous la forme d’une galerie de portraits qui permet au spectateur de terminer l’exposition par des œuvres majeures. Les trois grands portraits de chevalet du roi par Clouet (vers 1527), Van Cleeve (1531-1533) et Titien (1538) magnifient les différentes logiques inhérentes à l’art du portrait à la Renaissance. Ces œuvres, et en particulier les deux premières, ont donné lieu à toute une production de portraits du roi diffusés sur des intailles, des camées, dans des manuscrits peints ou des livres imprimés, ainsi que sur des médailles et pièces de plaisir sans doute distribuées par le souverain lui-même. Le seul regret de cette galerie fascinante est que les cartels soient si peu prolixes en terme de renseignements techniques. Ainsi, plusieurs portraits sont montrés sans que l’on sache s’ils ont été peints à l’huile sur toile, sur bois, ou sur d’autres supports. Ce détail n’enlève toutefois rien à la grande qualité d’exposition des œuvres qui sont mises en valeur par un éclairage savant et mesuré.

Essai de teston en or, 1529, Graveur : Matteo dal Nassaro, monnaie BnF.

Essai de teston en or, 1529, Graveur : Matteo dal Nassaro, monnaie
BnF.

L’exposition se termine sur l’image du roi en déité polymorphe (ou en allégorie divine), peint vers 1545 par le Maître des Heures de Henri II et conservé à la Bibliothèque nationale de France. Ainsi, le spectateur termine l’ingénieux parcours par la manifestation visuelle d’un roi aux multiples facettes et dont le charisme a laissé une empreinte éternelle sur l’histoire de France.

 

François Ier, Pouvoir et image est une exposition à voir et à revoir. Le propos en est limpide et admirablement mis en valeur par une scénographie qui a su tirer profit d’un espace assez réduit. Toutes les œuvres exposées sont d’une très grande qualité esthétique, sans oublier leur valeur historique, en témoigne l’Ordonnance de Villers-Cotterêts exposée dans la cinquième section.

 

 

Toutes les informations pratiques sur l’exposition sont disponibles sur le site internet de la Bibliothèque nationale de France.

http://www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/anx_expositions/f.francois_1er.html

Une version numérique de l’exposition est également disponible sur internet, accompagnée de fiches pédagogiques pour les enseignants du secondaire.

http://expositions.bnf.fr/francoisIer/index.htm

Isabelle Imbert

29/03/2015

1Le manuscrit a été numérisé et est entièrement consultable sur http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10520228t