Isabelle Imbert : “Un exotisme à l’orientale ? Les apports européens dans la peinture de fleurs persane et indienne (XVIe-XVIIIe)”

Cette section constitue la partie 5 de 12 du numéro
LE VERGER - Bouquet VIII : L'exotisme à la Renaissance

Isabelle Imbert (Université Paris-Sorbonne)

Page de l'album Dara Shikoh, Inde moghole, v. 1633. British Library (B. Lby)

Page de l'album Dara Shikoh, Inde moghole, v. 1633. British Library (B. Lby)

L’Iran safavide (1501-1722) et l’Inde moghole (1526-1854) entretiennent, dès la seconde moitié du XVIe siècle, des relations diplomatiques et commerciales continuent avec l’Europe. Ambassadeurs et agents des compagnies de commerce se succèdent à la cour et y apportent de nombreux présents dans le but d’obtenir les faveurs du souverain. Par ce biais, les gravures à sujets religieux et profanes sont introduites au sein des ateliers safavides et moghols où elles sont copiées par les peintres. Les formes florales naturalistes, développées en Europe dans les herbiers et les florilèges suite au renouveau de la botanique et de l’horticulture, servent également de modèles. Copiées ou adaptées sur des pages de grand format destinées à être montées dans des albums alliant scènes figuratives et calligraphies, ces formes florales sont également employées dans la production textile, ainsi que la décoration architecturale.

Cet article propose de s’interroger sur la réception de ces modèles étrangers par les artistes persans et indiens, dans le contexte des échanges entretenus entre l’Europe et l’Orient. Peu de peintures de fleurs copiées sur des modèles européens identifiés sont connues aujourd’hui, mais elles témoignent néanmoins d’une réflexion engagée autour de la notion de copie. L’intégration des modes de représentation européens dans des compositions novatrices révèle en effet une compréhension globale des modèles allogènes. L’analyse formelle des copies de gravure doit également être replacée  dans le contexte plus large des relations entretenues entre l’Orient et l’Occident. L’attitude des souverains safavides et moghols vis-à-vis de l’Europe, souvent ambiguë, amène à questionner la place de la gravure comme source iconographique au sein du répertoire décoratif persan et indien. L’évocation de l’Europe, en particulier en Iran, renvoie à des représentations fantasmées et fluctuantes, dont la gravure pourrait de ce fait constituer une synecdoque. L’étude de la peinture de fleur offre ainsi la possibilité d’appréhender le processus de réutilisation d’un motif étranger dans un contexte culturel et sociopolitique complexe, au sein duquel les conceptions de l’ailleurs et de
l’autre, rattachées à la notion d’exotisme, sont absolument centrales.

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