Appel à communication : « Je ne voudrais point un négociateur de métier… ». L’identité du diplomate : métier ou noble loisir ?

  • End date:
    16/10/2016, 00:00
  • Place:
    Institut historique allemand,8 rue du Parc-Royal Paris, France (75003)
CARPACCIO, Vittore Arrivée des ambassadeurs anglais (détail), 1495-1500 Tempera sur toile Gallerie dell'Accademia, Venice

CARPACCIO, Vittore
Arrivée des ambassadeurs anglais (détail),
1495-1500
Tempera sur toile
Gallerie dell'Accademia, Venice

Dans le sillage des nombreux travaux qui ont renouvelé, ces dernières décennies, l’étude des relations internationales et de la diplomatie dans l’Europe de la première modernité, les chercheurs se sont attachés à décrire « le diplomate au travail ». Leur attention s’est portée sur des domaines aussi variés que le quotidien des négociations, les conditions de travail des diplomates, l’importance des relations personnelles et de leurs réseaux pour leur activité, mais aussi leur capacité à mobiliser des compétences spécifiques au moment opportun. De fait, dans une Europe secouée par les conflits mais également animée par un désir de paix, le diplomate apparaît comme un personnage central et clairement identifiable, tant dans le champ du politique que dans l’art et la littérature. Et pourtant, tandis qu’émerge, à l’époque moderne, la figure du « négociateur de profession », le terme « diplomate » n’existe pas encore : qu’on l’appelle « honnête espion », agent ou encore ambassadeur, le diplomate reste un personnage insaisissable.

Si l’historiographie récente a identifié les pratiques de la négociation comme un champ de recherche particulièrement fécond pour notre connaissance des acteurs des relations internationales, elle souligne également l’émergence, dans l’Europe moderne, d’une culture diplomatique spécifique à des personnages chargés – parfois à titre exclusif – des négociations entre les États. Cette culture se fonde sur une manière d’être, une position sociale particulière, un état d’esprit. Cette approche fournit un premier indice de la formation d’un groupe professionnel distinct au sein des administrations. Néanmoins, la multiplicité des ponts qui relient l’univers des diplomates à des groupes plus structurés, tels que la république des lettres ou encore le monde des marchands et des banquiers, souligne la porosité qui caractérise les réseaux internationaux et rend complexe une définition stricte de leurs acteurs. De plus, ces pratiques évoluent entre le Moyen Âge tardif et le XIXe siècle, et il serait intéressant de cerner les éléments de périodisation qui sous-tendent cette évolution.

Au croisement de ces interrogations, l’objectif de ce colloque international, qui se déroulera à Paris du 14 au 17 juin 2017, sera de confronter l’activité du diplomate à la notion de métier, tout en définissant ce qui fait l’identité du diplomate. Les communications proposant une approche comparative seront privilégiées. Les axes suivants peuvent être envisagés, mais ne prétendent pas épuiser l’étendue des questions soulevées par la notion de métier appliquée à la diplomatie :

  1. De nombreux travaux récents ont mis en lumière la singularisation d’un certain nombre de pratiques propres au métier de diplomate dans le domaine du politique, et ce dès la fin du Moyen Âge. Ces pratiques d’écriture, de lecture et de communication, un certain art de la rhétorique, mais aussi les formes de sociabilité induites par l’activité diplomatique (ou qui influencent celle-ci) méritent une attention particulière nous souhaitons interroger leur lien avec celles d’autres réseaux (république des lettres, réseaux marchands, religieux, familiaux…). On pourra ainsi se demander si l’appartenance des diplomates à des réseaux multiples une spécificité de ce nouveau métier ou un frein à sa différenciation parmi les autres professions ; le rôle de la religion dans l’action de ces diplomates pourra être étudié. On s’interrogera également sur la manière dont la genèse de l’État moderne redéfinit le métier de diplomate : dans un contexte d’affermissement de l’État territorial et à une époque où les frontières deviennent un enjeu central des négociations internationales, les diplomates deviennent-ils des professionnels de l’altérité ?
  2. Le statut du diplomate tout comme la notion de « métier » soulèvent également des problèmes de définition. La négociation se trouve confiée de plus en plus souvent à des « professionnels », maîtrisant toutes les « règles de l’art ». Si de nombreux traités exposent ces règles, il en va différemment de l’identité du négociateur en tant qu’expert de la négociation et de l’altérité. Des savoirs particuliers sont-ils exigés ? Quelle est l’articulation entre le métier et ces savoirs ? A quels éléments reconnaît-on un diplomate de profession à l’Époque moderne ? Pourquoi se fait-on négociateur ? Cette activité se singularise-t-elle parmi les autres au point de donner naissance à un corps partageant le même éthos, le même esprit ? Sur le plan matériel, peut-on vivre du métier de diplomate ? Cette interrogation est liée à la rémunération et à la vie matérielle des diplomates, étroitement liée à la place de ces derniers dans les « affaires publiques ». La manière dont l’immunité est perçue et utilisée par les différents acteurs peut fournir des éléments d’analyse intéressants à cet égard.
  3. Quelles sont les modalités du recrutement et la composition sociologique du « corps diplomatique » ? La diversité semble être ici la règle : candidature à certains postes, recrutement par les gouvernements, importance des liens familiaux, du patronage et de l’appartenance à des clientèles. Assiste-t-on à la naissance d’un métier « moderne » aux prises avec des représentations en mutation ? Dans cette perspective, la représentation du diplomate dans les ouvrages de fiction et dans l’iconographie peut offrir des éléments d’analyse intéressants ; la contribution des historiens de l’art et des littéraires est vivement souhaitée. Par ailleurs, le regard porté par différentes institutions sur les diplomates (la police des étrangers à Paris par exemple) peut offrir un contre-point ou un complément à cette image du diplomate idéal. Le rôle des marchands dans la diplomatie permettra d’explorer les ponts reliant le monde des négociants à celui des négociateurs. Enfin, l’action des femmes en diplomatie peut nourrir une réflexion sur la culture diplomatique, notamment à travers leur rôle dans les réseaux et leur position particulière sur le « marché du travail » de l’époque.
  4. Le métier de diplomate au quotidien, entre diversité et uniformisation, fera également l’objet d’une attention particulière ; on s’interrogera notamment sur la reconnaissance du diplomate, ce terme recouvrant des réalités fondamentales pour l’exercice du métier. La question du caractère revêt ici une importance centrale. Il faudra également définir ce en quoi une mission diplomatique consiste concrètement et tenir compte des réalités multiples du métier : le quotidien d’un ambassadeur n’a souvent que peu de choses en commun avec celui d’un consul, d’un agent ou de l’envoyé d’une petite puissance. Les interactions entre les diplomates et la société qui les entoure revêtent à ce titre une importance particulière.

Modalités de soumission

Les propositions (bref CV avec liste des publications et exposé de max. 2000 signes) sont à envoyer à l’adresse suivante : identitedudiplomate@dhi-paris.fr

avant le 16 octobre 2016

Organisateurs

  • Rainer BABEL (Institut historique allemand)
  • Lucien BÉLY (Université Paris-Sorbonne)
  • Sophie CŒURÉ (Université Paris-Diderot)
  • Indravati FÉLICITÉ (Université Paris-Diderot)
  • Martin KINTZINGER (Université de Münster)
  • Marie-Louise PELUS-KAPLAN (Université Paris-Diderot)
  • Éric SCHNAKENBOURG (Université de Nantes)
  • Alexandre STROEV (Université Sorbonne-Nouvelle)

Comité scientifique

  • Rainer BABEL (Institut historique allemand)
  • Lucien BÉLY (Université Paris-Sorbonne)
  • Sophie CŒURÉ (Université Paris-Diderot)
  • Indravati FÉLICITÉ (Université Paris-Diderot)
  • Martin KINTZINGER (Université de Münster)
  • Thomas MAISSEN (Institut historique allemand)
  • Jean-Marie MOEGLIN (Université Paris-Sorbonne)
  • Marie-Louise PELUS-KAPLAN (Université Paris-Diderot)
  • Géraud POUMAREDE (Université Bordeaux-Montaigne)
  • Éric SCHNAKENBOURG (Université de Nantes)
  • Alexandre STROEV (Université Sorbonne-Nouvelle)