Appel : “Europe” – Noèsis journal no. 30 (Autumn 2017) Revue « Noèsis » n°30 (automne 2017)
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End date:15/09/2016, 00:00
La revue Noèsis consacrera son trentième numéro au thème de l’Europe. Ce choix résulte du constat de l’accumulation de ce qu’il est convenu d’appeler « les crises européennes ». Dites « grecque », « des dettes souveraines », « de la zone Euro », « ukrainienne », « des réfugié-e-s », « sécuritaire » ou encore « Brexit », leur violence et leur imbrication sont telles qu’elles paraissent relever d’une même crise plus profonde de l’Europe en tant que telle, et requérir, pour leur compréhension et leur surmontement, un examen global.
La forme de ce constat n’est certes pas nouvelle : en 1935 déjà, dans La crise de l’humanité européenne et la philosophie, Husserl thématisait « la crise de l’humanité européenne », faisant d’ailleurs aussi remarquer la récurrence « du thème (…) de la crise européenne »[1]. Mais précisément, la récurrence de cette récurrence ne prouve-t-elle pas l’ancienneté et la radicalité de la crise actuelle de l’Europe, l’ancienneté de son irrésolution aussi et donc la nécessité, pour la surmonter, de répéter, différemment, la tentative de la comprendre ?
Le titre de ce numéro – Europe – signifie la proposition, pour cela, de procéder avec la simplicité adéquate à la radicalité supposée de la crise, en demandant pour commencer ce qu’il faut comprendre sous le nom d’Europe. Il s’agit d’élaborer collectivement un concept correct d’Europe, dont nous savons au moins que, loin de la formulation proposée par Husserl comme « téléologie historique des buts infinis de la raison »[2], il intègre l’incompréhension européenne de la situation européenne, et qu’il requiert donc, pour son élaboration, les perspectives des extériorités de l’Europe et une autre méthode.
Pour organiser l’élaboration, six axes de réflexion sont proposés.
Le premier peut être dit de philosophie générale : il s’agira de poser la question « Qu’est-ce que l’Europe ? » comme une question philosophique, de la problématiser et d’y répondre.
Il faudra tenir compte pour cela de ce que l’Europe a régulièrement été conceptualisée philosophiquement. Suivant un deuxième axe de réflexion, relevant de l’histoire de la philosophie, il s’agira donc d’expliquer les concepts d’Europe de Leibniz, de Kant, de Hegel, de Marx, de Nietzsche, de Husserl, de Heidegger, d’Arendt, de Fanon, de Patočka, de Derrida, d’autres encore, et de procéder à la généalogie de la conceptualisation de l’Europe.
Le troisième axe de réflexion proposé peut être dit géophilosophique. De même que le constat de l’incompréhension européenne de la situation européenne, le simple rappel que l’Europe est dans le monde rend nécessaire de poser la question « Qu’est-ce que l’Europe ? » depuis son dehors aussi. Que seraient donc un concept africain d’Europe, un concept amérindien, arabe, chinois, indien ou papou d’Europe, et un concept d’Europe d’autres et d’ailleurs encore ? Il faudra tenir compte de ce que les modes d’extériorité de l’Europe sont eux-mêmes divers, et la penser aussi depuis les zones floues de ses délimitations géographiques ordinaires, depuis les extériorités violemment construites en dedans et depuis d’autres extériorités encore. Que seraient donc un concept balkanique d’Europe, un concept immigré, juif, musulman, noir, réfugié, russe, turc, tzigane d’Europe, et un concept d’Europe d’autres et d’ailleurs encore ?
Le quatrième axe de réflexion proposé est épistémologique. A quelles conditions logiques et méthodologiques un concept philosophique d’Europe est-il possible ? A quelles conditions un concept philosophique est-il possible, en général, d’objets géographiques et géopolitiques tels que les continents, les pays ou les peuples ? Que seraient les éléments d’une méthode géophilosophique, pourra-t-il également être demandé, éminemment avec Deleuze et Guattari ?
Le cinquième axe de réflexion proposé peut aussi être dit épistémologique, mais il ne relève plus tant de l’épistémologie de la philosophie que d’une épistémologie de l’interdisciplinarité, que la multidimensionnalité de l’Europe rend nécessaire : que seraient un concept juridique d’Europe, un concept anthropologique, économique, géographique, historique, psychanalytique ou sociologique d’Europe, et aussi, outre le droit et les sciences humaines et sociales, un concept artistique d’Europe, architectural, dansant, littéraire ou musical ? Comment s’articuleraient-ils ?
Il s’agira enfin, conformément à la dimension intrinsèquement politique à la fois de la philosophie et d’une réalité telle que l’Europe, d’assumer politiquement la prétention structurante de la philosophie, c’est-à-dire, quant à l’Europe, sa prétention constituante, et d’engager une réflexion de type programmatique. Le projet d’une République européenne, ou de Lois européennes, peut-il avoir un sens ? Faut-il une constitution de l’Europe ? Si oui, quelle doit-elle être ? La norme d’un concept correct d’Europe peut-elle être celle d’une institution correcte de l’Europe et de l’action la créant ? L’unité politique de l’Europe est-elle possible avec les hétérogénéités européennes ? Pourrait-elle, et comment, être agencée à d’autres unités géopolitiques ? Que serait la bonne politique européenne, en Europe et relativement au monde ? Quelles transformations produire, et comment, pour la réaliser ? Un peuple européen existe-t-il seulement ? Si non, peut-il, et comment, se créer ? Les intériorités convenues de l’Europe, par exemple les Etats-nations, n’ont-elles pas été construites comme des extériorités relatives et inconciliables ? Y aurait-il des concepts allemand, anglais, espagnol, français, hongrois ou polonais d’Europe, qui seraient contradictoires ? Il faudra intégrer ici l’indissociabilité de la géophilosophie et de ce qui pourrait alors être appelé « la sociophilosophie », et exprimer les altérités non géographiques de l’Europe. Que seraient donc un concept féminin d’Europe, un concept homosexuel, jeune, prolétaire d’Europe, et d’autres encore ?
Il est entendu que, si, reconnaissant l’autonomie relative de la réflexion politique, un axe lui est consacré, la réflexion politique est transversale, et que chaque contribution, dans chaque axe de réflexion, pourra comporter une ou plusieurs propositions politiques. Elles seront rassemblées et comparées en conclusion, et, si possible, confrontées dans un colloque projeté au moment de la publication.
Il est également entendu qu’une telle transversalité vaut pour tous les axes de réflexion : ils sont proposés sans prétention d’exhaustivité et suivant des distinctions et un ordre modifiables dans le cours de la réalisation du numéro.
Indications pratiques
Il est demandé que les propositions soient d’abord énoncées sous la forme d’un résumé de l’article prévu, en 3500 signes au maximum, dans un document en format Pdf, envoyé à l’adresse noesis@listes.unice.fr
avant le 15 septembre 2016.
Pour favoriser la neutralité de la sélection, il est également demandé que ce document soit anonyme, et transmis dans une pièce jointe à un message électronique indiquant quant à lui le nom et les coordonnées de l’auteur-e. Une réponse sera donnée avant le 30 septembre 2016.
Il sera ensuite demandé aux auteur-e-s dont les propositions auront été sélectionnées de transmettre leurs articles, en 35000 signes au maximum, avant le 31 janvier 2017. Dans le cas où des modifications paraîtraient nécessaires, un compte-rendu de lecture leur sera remis avant le 15 mars 2017.
Il sera enfin demandé aux auteur-e-s de donner les versions définitives de leurs articles avant le 15 mai 2017, la publication du numéro étant prévue en septembre 2017.
Les résumés et les articles pourront être écrits en anglais ou en français.
Toute demande d’information complémentaire peut être transmise à Salim Abdelmadjid, qui dirige l’édition du numéro, à l’adresse suivante : salim.abdelmadjid@unice.fr.
Présentation de Noèsis
La revue Noèsis (http://crhi-unice.fr/revue-noesis), créée en 1995 par Dominique Janicaud, est une revue de philosophie publiée par le Centre de recherches en histoire des idées (Crhi, http://crhi-unice.fr) de l’Université Nice Sophia Antipolis (Uns). Ses numéros, thématiques, portent principalement sur les quatre axes de recherches du Crhi : esthétique, logique et épistémologie, phénoménologie et herméneutique, philosophie politique.
Le directeur du Crhi est Pierre-Yves Quiviger, professeur au département de philosophie de l’Uns et au Crhi.
La directrice de la publication de Noèsis est Carole Talon-Hugon, professeure au département de philosophie de l’Uns et au Crhi.
Le directeur de l’édition du numéro 30, Europe, est Salim Abdelmadjid, attaché temporaire d’enseignement et de recherche au département de philosophie de l’Uns et au Crhi (2015-16), post-doctorant à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (2016-17).
Le comité scientifique de Noèsis est composé de Miguel Garcia Barò, Angela Ales Bello, Magali Bessone, Michel Blay, Olivier Boulnois, Pierre Destrée, Benoît Frydman, Denis Kambouchner, Bruno Karsenti, Jerrold Levinson, Paisley Livingston, Gleen Most, Christian Nadeau, Charles Ramond, Gunnar Skirbekk, Giuseppe Tognon et Franco Trabattoni.
Son conseil de rédaction est composé de Florence Albrecht, Philippe Audegean, Michaël Biziou, Christian Bracco, Ondine Breaud, Geneviève Chevallier, Ghislaine Del Rey, Jean-Luc Gautero, Elsa Grasso, Grégori Jean, Hervé Pasqua, Mélanie Plouviez, Sébastien Poinat, Pierre-Yves Quiviger, Jean Robelin, Christine Schmider, Carole Talon-Hugon et André Tosel.
Son secrétariat d’édition est assuré par Claire Gaugain, son administration par Laurence Fulconis-Loth et sa diffusion et sa distribution par la Librairie philosophique J. Vrin – 6, place de la Sorbonne – 75005 Paris.
[1] Husserl, La crise de l’humanité européenne et la philosophie, trad. N. Depraz, Paris, Hatier, 1992, p. 50
[2] Id., p. 78