Cupidité, fantasme(s), convoitise. Regard critique sur la richesse et ses excès dans les littératures d’expression française en Amérique (XVIe-XXIe s.)

Appel à contributions pour un ouvrage collectif

« Cupidité, fantasme(s), convoitise.

Regard critique sur la richesse et ses excès dans les littératures d’expression française en Amérique

(XVIe-XXIe siècles) »
« L’argent ne fait pas le bonheur. » Cette maxime, amendée, détournée, critiquée à profusion, et que l’on retrouve sous diverses langues, époques et tournures, met en évidence, dans une perspective quelque peu moralisatrice, une incompatibilité présumée des notions de richesse et de félicité. Pourtant, si la polysémie du terme « (bonne) fortune » en est une quelconque indication, la richesse est tout de même gage d’une certaine aisance, menant bien souvent à un sentiment de satisfaction2, toutes proportions gardées. Mais qu’en est-il des excès qui découlent de l’accumulation de richesses ? Quand est-ce que la richesse devient-elle « trop », maladive, voire obsessionnelle ? Et par quelles variables définir ce que l’on peut/doit –ou non– qualifier d’excès, de trop-plein, de démesure ?

Dans l’imaginaire collectif, la promesse de richesse –qu’elle soit matérielle, abstraite, ou symbolique ; individuelle, collective, ou institutionnelle– se serait même imposée comme le mythe fondateur sur lequel repose l’exploration des Amériques, stimulant la naissance conceptuelle d’une destinée commune basée sur la richesse et sa possible accumulation, bien souvent aux dépens d’autres peuples. De cette dynamique est également né un faisceau de pratiques, d’attitudes, et de comportements qui lui semblent parfois indissociables : cupidité, fantasme et convoitise ont dessiné les contours de cette américanité à l’échelle du continent et se cristallisent dans le capitalisme effréné et la spéculation des marchés boursiers. Les productions littéraires d’expression française en Amérique, du XVIe au XXIe siècles, du Canada francophone aux Antilles, témoignent de ce mouvement mortifère de l’inassouvissable désir de posséder. La richesse se positionne ainsi comme un élément discursif qui articule tout un pan de la littérature : en ce sens, les figures de l’excès (avare, parvenu.e, nanti.e, vantard.e, usurier.ère, créancier.ère) peuplent les récits et donnent à (re)penser le rapport à la richesse depuis des siècles.

Willem van Aelst, Nature morte avec fruits, coll. privée, c. 1660 (source : wga)

Willem van Aelst, Nature morte avec fruits, coll. privée, c. 1660 (source : wga)

Cet ouvrage collectif se donne pour objectif de mettre en évidence différents modes de représentation de la richesse et de ses excès dans les littératures d’expression française en Amérique (Québec, Acadie, littératures francophones minoritaires au Canada, Louisiane, Antilles) du XVIe au XXIe siècles. Il sera l’occasion d’observer certaines spécificités régionales ainsi que de potentielles convergences dans les multiples littératures d’expression française en Amérique. Il permettra également de constater l’inscription de cette thématique dans la tradition littéraire mais aussi d’évaluer les stratégies de réappropriation et les renouvellements esthétiques et génériques qu’elle a occasionnés.

Dans ce regard critique sur la richesse et ses excès, trois axes semblent prometteurs :
• L’axe du sujet : que l’accumulation soit d’origine pathologique, moyen d’oppression, ou encore source de jalousie, le sujet pensant et agissant est au centre du rapport à la richesse. On envisagera l’excès ainsi que les pratiques, les attitudes, les comportements –la cupidité, entre autres– qui en découlent.
• L’axe de l’objet : au coeur de tous les fantasmes, la richesse est le point de départ vers l’excès. Il sera possible de réfléchir sur la notion de richesse à travers sa représentation littéraire, afin d’expliciter les mécanismes qui stimulent son désir immodéré.

• L’axe de l’altérité : qui dit richesse, dit bien souvent convoitise. On se penchera sur les rapports de force qui sous-tendent l’interaction réciproque entre la personne détentrice de la richesse et autrui.

Voici une liste non exhaustive de pistes de réflexion qui pourront être abordées :

• Définition(s) et représentation(s) de la richesse matérielle, abstraite, symbolique ; individuelle, collective, institutionnelle
• Rapport entre richesse(s) et espace(s) : conquête du territoire et ressources naturelles (forestières, hydriques, minières, énergétiques…)
• Discours politiques et économiques sur l’excès de richesse à travers les âges : mercantilisme, rentabilité, capitalisme effréné, marché mondialisé, spéculation
• Richesse et oppression : inégalité(s), pouvoir, domination, esclavagisme, lutte des classes
• À contre-courant des richesses : partage, redistribution, générosité, don, charité, modération, éthique, altruisme
• Personnages, voix et stéréotypes de la richesse dans la littérature : les figures de l’excès (avare, parvenu.e, nanti.e, vantard.e, usurier.ère, créancier.ère)
• Pathologie(s) et psychologie(s) : maladie, vice, accumulation compulsive ou obsessionnelle
• Tabous, non-dits, secrets : comment parler de richesse ?
• Regard(s) sur l’excès de richesse : honte, pudeur, désir, jalousie, hypocrisie, perfidie
• Richesse et mensonge : feindre, prétendre, paraître
• Discours sur la démesure : le superflu et l’inutile ; le luxe et l’opulence
• L’excès de richesse dans la culture populaire : mythes, légendes, folklore
• Héritage et influence de la tradition littéraire sur la représentation de la richesse et de ses excès
• Approches théoriques/génériques/comparatistes/diachroniques ou synchroniques

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Calendrier prévisionnel :
• 15 octobre 2021 : date limite pour soumettre une proposition de chapitre (300 mots) avec bibliographie sommaire et notice biobibliographique
• 1er novembre 2021 : notification aux auteurs.trices de l’acceptation de leur proposition
• 30 avril 2022 : remise du chapitre par les auteurs.trices
• 1er mai 2022 : début de la période d’évaluation (double-évaluation à l’aveugle) et recommandations aux auteurs.trices
• 15 octobre 2022 : remise du chapitre révisé

Direction de l’ouvrage collectif :

Julien Defraeye, St. Thomas University defraeye@stu.ca
Nicolas Hebbinckuys, University of Waterloo nicolas.hebbinckuys@uwaterloo.ca.