Journée d’étude « Eutrapélie »

  • End date:
    02/12/2019, 00:00

Journée d’étude « Eutrapélie » 14 mai 2020

Université de Lille

Maison de la recherche

Salle des colloques

Lute playing Fool with a Dog. Anton Möller der Ältere. Berlin, Kupferstichkabinet.

Fool playing lute with a Dog. Anton Möller der Ältere. Berlin, Kupferstichkabinet.

L’eutrapelia, étymologiquement la « facilité à se tourner », est d’abord péjorative avant de s’appliquer non plus aux mauvais plaisants, mais aux gens d’esprit. Aristote la définit comme une « impertinence polie », une « démesure tempérée par la bonne éducation » (Rhétorique, II, 12, xvi) et fait une distinction entre les bouffons et les gens d’esprit (eutrapeloi). Le sens péjoratif du mot ne disparaîtra pourtant pas totalement et saint Paul (Epître aux Ephésiens, 5, 4) pourra condamner l’eutrapelia comme une forme de mauvaise plaisanterie qui ne convient pas au Chrétien. Dans sa version positive, la notion d’eutrapélie prend sa source chez Aristote (Ethique à Nicomaque et Rhétorique) pour définir les conditions de la bonne plaisanterie. Saint Thomas en fait une manifestation de la vertu de tempérance. Castiglione, sans toutefois employer précisément le mot, en fait un argument pour valoriser les contes plaisants et les facéties dans la conversation civile. Jean-Pierre Camus, évoquant François de Sales, l’assimile à une « joyeuse conversation », une « bonne conversation », une « joyeuseté modeste ». François de Sales évoque « la vertu nommée eutrapélie par les Grecz, que nous pouvons appeler bonne conversation ».

Associée à la facétie dans les dictionnaires (par exemple celui d’Ambrogio Calepino ou le Thesaurus de Robert Estienne qui la traduit par urbanitas, lepor, festivitas, facetia), la notion prend chair dans un personnage, l’Eutrapelus des Colloques d’Érasme ou l’Eutrapel de Noël Du Fail.

L’oxymore originel, qui fait se rencontrer dans la définition aristotélicienne la démesure et le juste milieu, a nourri ce que l’on a pu appeler une « querelle de l’eutrapélie » (Marc Fumaroli), particulièrement active à la Renaissance et au XVIIe siècle.

C’est sur cette querelle que nous proposons de nous interroger lors de cette journée d’étude en nous intéressant en particulier aux questions suivantes :

– La question des sources et de l’actualisation des concepts de philosophie morale des Anciens. Au–delà du seul Aristote, Cicéron (qui s’adresse dans sa Correspondance à un Eutrapelus) et toute la tradition latine de l’otium. Cette question des sources conduit à s’interroger sur le lexique.

– Une question rhétorique et générique: l’importance de l’eutrapélie dans les conceptions du dialogue et de la conversation ;

– La question de la légitimité et des limites du rire, question qui relève du domaine de l’éthique autant que de la rhétorique. On en trouve des manifestations dans les polémiques littéraires, lorsqu’il est question de légitimer certains positionnements dans le champ littéraire (Garasse par exemple, mais aussi Molière qui sans citer le terme en reprend l’idée dans la préface de Tartuffe).

– Une question de morale sociale et d’hygiène intellectuelle : quelle place faire au repos de l’esprit ? Comment concevoir celui-ci ? Question qui engage celle du rôle et de la fonction des « Bonnes-Lettres » et des « Belles-Lettres », appelées à être des facteurs de santé morale. L’eutrapélie est ainsi appelée en renfort par les défenseurs de la moralité du théâtre lors des nombreuses querelles qui jalonnent la période.

Propositions à adresser, avant le 2 décembre à :

Charles-Olivier Stiker-Métral chosmetral@hotmail.com

et Marie-Claire Thomine marieclaire.thomine@free.fr