La protection diplomatique et consulaire en Méditerranée moderne (XVIe-XVIIIe siècle)

  • Start date:
    20/06/2024, 00:00
  • Place:
    INU Champollion, Place de Verdun Albi, France (81)

La protection diplomatique et consulaire en Méditerranée moderne (XVIe-XVIIIe siècle)

Appel à contribution

Hans Holbein Le Jeune, Les Ambassadeurs, 1533, National Gallery, Londres

Hans Holbein Le Jeune, Les Ambassadeurs, 1533, National Gallery, Londres

Appel à contribution dû pour le 15 janvier 2024.

Colloque en juin 2024

RÉSUMÉ

La protection diplomatique et consulaire constitue un instrument politique et juridique original de la « grammaire de la souveraineté » de l’époque moderne. Elle permet à un prince ou à une puissance d’étendre sa protection sur les ressortissants d’autres puissances, généralement plus petites, sans chercher à les soustraire à l’autorité de leurs princes respectifs. Un tel outil laisse ainsi une large place à l’articulation des souverainetés et à la négociation des loyautés, tout en préservant les inégalités juridiques comme les frontières sociales. Deux ouvrages collectifs récents (Haug-Weber-Windler 2016 et Benton-Clulow-Attwood 2018) ont proposé des incursions stimulantes dans ce sujet complexe, tout en appelant des approfondissements depuis l’histoire diplomatique, la science politique, l’histoire du droit, les relations internationales ou encore l’histoire sociale.

ANNONCE

Argumentaire

Au cours des trois dernières décennies, la recherche historique a abondamment exploré la nature changeante, insaisissable et transactionnelle des identités à l’époque moderne. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille révoquer les questions d’affiliation et d’appartenance, bien au contraire. Une série de travaux importants menés par des chercheurs et des chercheuses de différents horizons ont notamment plaidé en faveur d’une attention plus soutenue aux expressions du statut juridique, des allégeances politiques et des loyautés personnelles[1]. De fait, la revendication d’une condition politique et juridique spécifique, que ce soit comme sujet d’un prince et/ou comme citoyen d’un État, s’inscrit dans des motifs et des stratégies (individuelles et collectives) qui dépassent bien souvent le seul enjeu de l’identification formelle[2].

Les statuts changent au fil du temps, tout comme les identités et les affiliations. Ces changements ne se produisent pas dans un ordre aléatoire, mais selon des logiques et des stratégies qui appellent une contextualisation minutieuse des dynamiques sociales et politiques à l’œuvre. Leur étude nécessite de tenir à distances les formulations ultérieures des affiliations politiques et juridiques, lesquelles doivent beaucoup à l’hégémonie dix-neuviémiste du modèle de l’État-nation. À l’époque moderne, le changement de statut et d’affiliation ne signifie pas toujours une rupture par rapport à son ancien moi, tandis que les allégeances multiples ne sont pas systématiquement conçues comme s’excluant mutuellement. Dans de nombreux cas, il s’agit simplement pour les acteurs historiques d’accéder aux ressources sociales et aux opportunités économiques.

La protection diplomatique et consulaire constitue un instrument politique et juridique original de la « grammaire de la souveraineté » de l’époque moderne[3]. Elle permet à un prince ou à une puissance d’étendre sa protection sur les ressortissants d’autres puissances, généralement plus petites, sans chercher à les soustraire à l’autorité de leurs princes respectifs[4]. Un tel outil laisse ainsi une large place à l’articulation des souverainetés et à la négociation des loyautés, tout en préservant les inégalités juridiques comme les frontières sociales[5]. Deux ouvrages collectifs récents (Haug-Weber-Windler 2016 et Benton-Clulow-Attwood 2018) ont proposé des incursions stimulantes dans ce sujet complexe, tout en appelant des approfondissements depuis l’histoire diplomatique, la science politique, l’histoire du droit, les relations internationales ou encore l’histoire sociale.

L’atelier international « La protection diplomatique et consulaire en Méditerranée moderne, XVIe-XVIIIe siècle » entend aborder les multiples questions liées à la protection, à travers des études de cas clairement situées dans l’ensemble de l’espace méditerranéen. Les contributions prendront en compte les dimensions politiques, économiques, sociales, matérielles et institutionnelles de la protection, dans une perspective qui favorise les comparaisons et les échanges entre les différents terrains. Elles aborderont en particulier les questions suivantes :

  1. Formes, motifs et acteurs du système de protection. Qui accorde quelle protection à qui, et pour quelles raisons ? Comment cette pratique est-elle régie par des traités internationaux ou des règlements consulaires, par opposition à des logiques plus informelles et vernaculaires d’accommodement « sur le terrain » ?
  2. Changer la protection. Comment passe-t-on d’un statut à l’autre ? Comment cela affecte-t-il les opportunités économiques et sociales ? Pouvons-nous reconstruire des dynamiques collectives de changement de protection dans des contextes spécifiques et, si oui, comment ce sont-elles déployées ?
  3. Les limites de la protection. La protection étrangère procure-t-elle toujours aux acteurs historiques les avantages escomptés ? Dans le cas contraire, quels types de contestation et de conflit naissent, et comment reflètent-ils (ou influencent-ils) des inflexions plus profondes dans les relations internationales, notamment en contexte interculturel ?

Comment la protection est-elle perçue par les tiers (notamment les puissances qui accueillent les étrangers et leurs consuls) et comment se déploie-t-elle par-delà les différences politiques et religieuses ?

Instructions aux candidat.e.s

Les propositions de communication (500 mots max.) doivent être adressées aux organisateurs (dipratu_radu@yahoo.commathieu.grenet@univ-jfc.fr et viorel.panaite@g.unibuc.ro)

d’ici au 15 janvier 2024.

Les candidat.e.s seront informé.e.s du résultat du processus de sélection au plus tard le 15 février 2024.

Les propositions de communication sont acceptées en français et en anglais. Afin de favoriser les discussions et les échanges au cours de l’atelier, il est attendu des participant.e.s retenu.e.s qu’ils/elles aient une maîtrise de base des deux langues.

Les participant.e.s retenu.e.s devront envoyer une version préliminaire de leur communication avant le 15 juin 2024, afin que celles-ci puissent être diffusées à l’avance parmi l’ensemble des participant.e.s.

Chaque présentation lors de l’atelier durera 40 minutes, suivies de 20 minutes de discussion.

Les participant.e.s seront hébergés par les organisateurs à Albi. Il est attendu des participant.e.s et/ou de leurs organismes de recherche qu’ils/elles prennent en charge leurs propres frais de déplacement vers et depuis Albi.

Comité d’organisation

Note

[1] Voir par exemple Tamar Herzog, Defining Nations : Immigrants and Citizens in Early Modern Spain and Spanish America, New Haven, Yale University Press, 2003 ; Hanna Sonkajärvi, Qu’est-ce qu’un étranger ? Frontières et identifications à Strasbourg, 1681-1789, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2008 ; Josep M. Fradera, La nación imperial. Derechos, representación y ciudadanía en los imperios de Gran Bretaña, Francia, España y Estados Unidos (1750-1918), Barcelone et Buenos Aires, Edhasa, 2015 ; Marcella Aglietti (dir.), Finis civitatis. Le frontiere della cittadinanza, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 2019.

[2] Alessandro Buono, « Identificazione e registrazione dell’identità. Una proposta metodologica », Mediterranea. Ricerche storiche, n° 30, 2014, pp. 107-120.

[3] Hent Kalmo et Quentin Skinner (dir.), Sovereignty in Fragments : the Past, Present and Future of a Contested Concept, New York, Cambridge University Press, 2010.

[4] Lucien Bély, « Les princes et la protection d’intérêts étrangers à l’époque moderne », Relations internationales, n° 143, 2010, pp. 13-22 ; Tilman Haug, Nadir Weber, et Christian Windler (dir.), Protegierte und Protektoren. Asymmetrische politische Beziehungen zwischen Partnerschaft und Dominanz (16. bis frühes 20. Jahrhundert), Vienne et Cologne, Böhlau Verlag, 2016 ; Lauren Benton, Adam Clulow et Bain Attwood (dir.), Protection and Empire : A Global History, Cambridge, Cambridge University Press, 2018.

[5] Voir par exemple le cas des Juifs sous protection française à Alep au XVIIIe siècle, tel qu’étudié par Francesca Trivellato, Corail contre diamants. De la Méditerranée à l’Océan Indien au XVIIIe siècle, Paris, Le Seuil, 2016, pp. 157-178.