L’anthropologie à la Renaissance (Rouen, 21 nov. 2017)

  • End date:
    30/04/2017, 00:00

BRUEGHEL, Jan the Elder The Sense of Sight 1618 Oil on panel, 65 x 109 cm Museo del Prado, Madrid (source : WGA)

Journée d’étude Université de Rouen, 21 novembre 2017

Dossier thématique à paraître dans la revue Clio@Themis

À lire certains ouvrages consacrés à la naissance et au développement de l’anthropologie, il semblerait que la question soit tranchée : ce seraient les travaux des naturalistes (Linné, Buffon) ayant permis de classer l’homme au sein des espèces naturelles, l’influence des philosophes (de Rousseau à Kant) ayant proposé une théorie de la nature humaine, et les récits et les observations issus de la seconde grande vague d’exploration (en Afrique, en Amérique, dans le Pacifique), qui auraient permis de penser l’homme non seulement comme sujet mais aussi comme objet de savoir, et qu’aurait été ainsi rendue possible la naissance de l’anthropologie, progressivement définie comme science de l’homme dans ses variations culturelles. Ce ne serait que dans les années 1750 que serait sortie de ses balbutiements et de sa préhistoire cette discipline, avant son institutionnalisation au XIXe siècle, autour des enjeux liés à l’histoire naturelle de l’homme, et le développement d’ambitions tendant à embrasser tous les aspects de la connaissance de l’homme. D’autres travaux cependant questionnent fortement cette analyse, qui retrace logiquement l’archéologie de la définition contemporaine de l’anthropologie et en explicite les présupposés méthodologiques et scientifiques qui s’y veulent attachés. En effet, cette chronologie semble pour le moins rigide, voire quelque peu anachronique pour qui s’intéresse aux périodes plus anciennes, et notamment à la Renaissance. Les travaux de Claude Blanckaert l’ont bien montré, bien qu’encore rare et d’un emploi non réglé, le terme d’anthropologie est attesté en français dès le début du XVIe siècle. Certes, le thème central de l’anthropologie philosophique de la Renaissance, puis de l’âge classique, reste « la connaissance de soi ». Mais, dès la fin du siècle, se dégagent deux orientations des recherches « anthropologiques » : l’une vise, au profit du sujet, les règles de la sagesse et de bonheur basées sur l’économie de l’affectivité, la police des mœurs et les devoirs de l’homme de qualité, l’autre prend l’homme pour objet d’analyse, dans sa phénoménologie concrète, tant anatomique que psychologique ou politique (C. Blanckaert, 1989 : « L’anthropologie en France, le mot et l’histoire », Bulletins et Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris). Ainsi le début du XVIIe siècle correspondrait-il, déjà, à un moment essentiel d’affirmation de la discipline. Bien d’autres travaux par ailleurs démontrent à quel point la Renaissance peut constituer pour l’histoire de la naissance ou du développement de l’anthropologie une période centrale. Plusieurs développements en sont bien connus : les découvertes géographiques qui se multiplient depuis la fin du Moyen Âge obligent les Européens à une rencontre avec l’altérité qui exige une reconsidération de l’humanité. Ainsi, les récits de voyages qui se multiplient donnent un certain nombre de descriptions ethnographiques des peuples rencontrés. Dès le début du XVIe siècle, avec le retour de certains grands explorateurs, les premiers Indiens débarquent en Europe. Les premières collectes d’objets exotiques donnent lieu à l’apparition d’Americana dans les cabinets de curiosités. Par l’intensité des échanges marchands qui y ont cours, Rouen est à cet égard un lieu d’importance. La célèbre fête cannibale organisée pour l’entrée d’Henri II en 1550 l’atteste. Tandis que l’humanisme célèbre la grandeur et la dignité de l’homme, les Indiens sont certes regardés par certains comme des étrangetés, des sauvages voire des bêtes farouches ; ils sont rapidement aussi identifiés comme des membres à part entière d’une humanité qui voit sa dimension et ses caractéristiques reconsidérées. Parfois vus comme les derniers représentants d’un âge d’or ou d’un paradis perdu, ils sont intégrés à la chaîne de l’humanité comme des primitifs, dans le cadre de conceptions évolutionnistes. Tandis que, grâce aux travaux de Vésale, s’ouvre le moment anatomique de la science de l’homme, l’unité de l’espèce humaine est affirmée. En dépit d’importants travaux, souvent centrés sur des évènements et sur des figures majeures de ces développements, l’importance de ces différents phénomènes dans le développement de l’anthropologie à la Renaissance mérite d’être précisée.

C’est à un tel travail qu’invite le présent appel à communication, destiné à constituer un dossier pluridisciplinaire qui sera publié dans la revue numérique Clio@Themis (http://www.cliothemis.com). Considérant les enjeux en question, toutes contributions permettant d’éclairer l’apport de la philosophie, de la médecine, de la science du droit à la question de l’anthropologie de la période seront les bienvenues. Quels sont alors ses postulats philosophiques et médicaux ? Quelles sont les méthodes sur lesquelles elle se construit ? Quel fonds politique et idéologique constitue sa trame ? Quel Homme contribue-t-elle à définir ? Telles sont notamment quelques-unes des questions qui pourront être abordées. Au delà des œuvres qui semblent centrales à de telles études (Pic de La Mirandole, Vésale, Las Casas, Montaigne), une attention particulière devra cependant être prêtée à d’autres auteurs, et notamment aux juristes, dont la contribution à ces thèmes n’a que peu été étudiée alors même que non seulement leur culture les conduit bien souvent à appréhender nombre des questions précitées (notamment pour ce qui est des tenants de l’humanisme : Budé, Alciat, Zazius, Cujas ?) et qu’ils sont à l’origine de très nombreux imprimés les intéressant (en matière de droit comparé : Bodin, Sansovino ?) mais que leur objet principal d’étude, le droit, reste aussi une science humaine.

Les propositions de contributions, accompagnées d’une brève notice bio- bibliographique de leurs auteurs, doivent être envoyées dès à présent et en tout état de cause

avant le 30 avril 2017

à geraldine.cazals@univ-rouen.fr et marie.houllemare@u-picardie.fr

Les auteurs seront informés des articles retenus avant le 15 mai 2017.Une journée de discussion des contributions sera organisée à l’université de Rouen le mardi 21 novembre 2017.

Les articles seront à rendre pour le 15 avril 2018 et devront répondre aux exigences de fond et de forme qui sont celles de la revue (http://www.cliothemis.com/Soumettre-un-article,13) et constitueront le n. 16 de la revue Clio@Themis à paraître en janvier 2019.

Organisation
  • Géraldine Cazals (geraldine.cazals@univ-rouen.fr)
  • Marie Houllemare (marie.houllemare@u-picardie.fr)
Comité de rédaction
  • Jean-Pierre Allinne (Centre d’Etude des Collectivités Locales, UFR Droit, économie, gestion, Université de Pau)
  • Patrick Arabeyre (Ecole des Chartes, Paris)
  • Frédéric Audren (CNRS, École de droit de Sciences-po,Paris)
  • Marie Bassano (Centre Toulousain d’Histoire du Droit et des Idées politiques, Université Toulouse 1-Capitole)
  • Grégoire Bigot (Droit et Changement Social, UFR droit et sciences politiques, Université de Nantes)
  • Hélène Blais (Institut d’histoire moderne et contemporaine, ENS, Paris)
  • Luisa Brunori (Centre d’histoire judiciaire, CNRS, Lille)
  • Géraldine Cazals (Secrétaire de rédaction, Centre universitaire Rouennais d’Etudes juridiques, UFR Droit, Sciences économiques et Gestion, Rouen, Institut universitaire de France)
  • Serge Dauchy (Centre d’histoire judiciaire, CNRS, Lille)
  • Yann-Arzel Durelle-Marc (Centre de Recherches sur l’Action locale, Université de Paris-Nord 13)
  • Silvia Falconieri (Centre d’histoire judiciaire, CNRS, Lille)
  • Catherine Fillon (Centre de Recherches Critiques sur le Droit, Faculté de Droit, Université Saint-Etienne)
  • Jean-Louis Halpérin (Directeur de rédaction, Centre de Théorie et Analyse du droit, ENS Ulm, Paris, Institut universitaire de France)
  • Marie Houllemare (Centre d’histoire des sociétés, des sciences et des conflits, UFR d’histoire et de géographie, Amiens, Institut universitaire de France)
  • Xavier Prévost (Institut de recherche Montesquieu/Centre Aquitain d’Histoire du Droit, Faculté de Droit et Science politique, Bordeaux)
  • Florence Renucci (Centre d’Histoire Judiciaire, CNRS, Lille)
  • Anne Simonin (IRICE, CNRS, Paris, directrice de la Maison Française d’Oxford)