Voix de femmes sur la noblesse

Voix de femmes sur la noblesse

Alexis Baldovinetti, Portrait d'une femme en jaune, huile sur toile, v. 1465, National Gallery, Londres (WGA)

Alexis Baldovinetti, Portrait d'une femme en jaune, huile sur toile, v. 1465, National Gallery, Londres (WGA)

Ce colloque invite à confronter, d’une part, l’histoire des femmes, et, plus spécifiquement, celle de l’auctorialité et de l’expression féminines, sans réduire celles-ci au simple champ de l’écriture, et, d’autre part, celle de l’aristocratie et du concept de noblesse en particulier. Il s’agira de réfléchir sur tout discours féminin véhiculant des idées à propos de la noblesse, provenant d’une membre de la noblesse, d’une femme extérieure à celle-ci ou d’un personnage féminin fictif. Les contributions sont susceptibles d’aborder un large éventail de sources : traités théoriques, sources épistolaires ou diaristes, mémoires, œuvres littéraires, représentations artistiques et musicales, voire sources orales pour l’époque contemporaine, etc.

Annonce

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Colloque international à l’Institut catholique de Rennes, 5-6 JUIN 2025

Argumentaire

Entre 1637 et 1644, la comtesse d’Aranda, Luisa de Padilla y Manrique, publie quatre ouvrages à la fois théoriques et didactiques sur la question de la noblesse. Les trois premiers sont publiés sous le nom de son confesseur, mais le dernier l’est sous le sien propre. Si le cas de cette autrice de quatre traités moralistes et théoriques sur la noblesse est, à bien des égards, exceptionnel, il n’est cependant pas isolé puisque nombre de femmes, appartenant ou non à l’aristocratie, aux époques médiévale, moderne et contemporaine, à travers différents types d’écrits et grâce à d’autres supports d’expression, ont abordé la question et pris position dans les réflexions et les débats sur ce qu’est la noblesse ainsi que sur la façon dont ses membres devraient se conduire.

Alors que l’histoire des femmes et du genre a mis en lumière les modalités de l’agentivité féminine et que la part féminine du groupe aristocratique a été bien étudiée, il convient de se demander non seulement comment ces femmes concevaient leur place au sein de ce groupe et au sein de la société dans son ensemble, mais également dans quelle mesure et selon quelles modalités elles étaient susceptibles de (ou enclines à) l’exprimer.

Se pose alors la question des débats autour du concept de noblesse, dont les acceptions sont plurielles au fil du temps et dans les différents espaces politiques européens. Entendu comme une qualité morale et comportementale censée distinguer un groupe élitaire et constituant la pierre angulaire de « l’idée de noblesse » (Philippe Contamine), il a aussi été très progressivement et partiellement encadré sur le plan juridique à partir des XIVe et XVe siècles, puis à l’époque moderne, au travers des anoblissements, des exemptions fiscales, des privilèges divers, etc. Si ces derniers sont peu à peu remis en cause, abandonnés ou abolis dans l’espace européen, la persistance de définitions juridiques et d’une « culture d’ordre » (Claude Isabelle Brelot) singulière invite à ne pas réduire la noblesse à un simple « phénomène d’opinion » (Adeline Daumard) dans l’Europe des longs XIXe et XXe siècles.

L’importance donnée par de nombreux théoriciens de la noblesse à la dimension héréditaire invite naturellement à s’interroger sur la place que les femmes s’attribuaient dans le processus de transmission de la qualité ou du statut nobiliaire, l’ascendance maternelle, suffisante aux Xe-XIe siècles, étant progressivement battue en brèche dans une large partie de l’Europe, voire presque totalement invisibilisée en France, où seule l’hérédité masculine rend noble. Elle suppose aussi de s’intéresser aux discours féminins sur les mécanismes de transmission des biens, des titres et des offices au sein des familles nobles. Elle invite également à se pencher sur la perception que ces femmes avaient de leurs rôles, que ce soit dans l’espace public (action politique, gouvernance domaniale) ou sur le plan domestique (gestion, éducation de la nouvelle génération), en prenant en compte non seulement le poids des assignations de genre, mais aussi leurs éventuelles contestations et recompositions. Se pose en outre la question du regard des femmes d’origine non-noble sur le groupe social qu’elles intègrent par mariage ou par anoblissement, ainsi que de celui des femmes nobles ayant prononcé des vœux religieux.

L’expression des femmes sur la noblesse amène, bien sûr, à questionner leur auctorialité, la légitimité à laquelle elles prétendent sur ce sujet, l’éventuelle spécificité genrée de leurs arguments et de leurs positionnements ou, au contraire, leur reprise de points de vue et de raisonnements d’auteurs masculins – sans exclure le possible recours à des voix féminines, réelles ou fictives, par des hommes.

Les « voix » de femmes sur la noblesse renvoient à tout l’éventail des modes d’expression, depuis le traité savant jusqu’au blog. Au travers d’études de cas, de comparaisons ou de vues d’ensemble, on pourra chercher à comprendre les situations sociales dans lesquelles des femmes ont pris la plume – ou se sont saisies d’autres supports – pour prendre part à la réflexion sur la noblesse, à mesurer l’inscription de ces prises d’écriture – ou de parole – parmi les dispositifs juridiques, les mœurs et les usages du temps, ou encore à contextualiser les modalités de circulation et de publicisation de ces points de vue et à analyser leurs enjeux politiques, sociaux et genrés. On pourra mettre en lumière les dépendances envers d’autres acteurs, masculins ou féminins, de ces expressions féminines et de leur diffusion. Demeure enfin la question du public, de la réception, des usages et de la temporalité de ces points de vue féminins sur la noblesse et de leurs supports d’expression.

Ce colloque invite donc à confronter, d’une part, l’histoire des femmes, et, plus spécifiquement, celle de l’auctorialité et de l’expression féminines, sans réduire celles-ci au simple champ de l’écriture, et, d’autre part, celle de l’aristocratie et du concept de noblesse en particulier. Il s’agira de réfléchir sur tout discours féminin véhiculant des idées à propos de la noblesse, provenant d’une membre de la noblesse, d’une femme extérieure à celle-ci ou d’un personnage féminin fictif. En vue de saisir les évolutions sur le temps long et de faire émerger une réflexion comparative, il se veut transpériodique, portant sur l’espace européen de la période médiévale à l’époque contemporaine. Ce cadre temporel et géographique doit amener à dégager aussi bien les continuités que les évolutions et les spécificités chronologiques et régionales. Les contributions sont susceptibles d’aborder un large éventail de sources : traités théoriques, sources épistolaires ou diaristes, mémoires, œuvres littéraires, représentations artistiques et musicales, voire sources orales pour l’époque contemporaine, etc. Le colloque appelle donc à une approche interdisciplinaire, dans la mesure où ses thématiques peuvent être abordées tant du point de vue de l’histoire, que de la littérature, de la sociologie, de l’histoire de l’art, de la musicologie, etc.

  • Période : ve-xxie siècles
  • Espace : Europe
  • Lieu : Institut catholique de Rennes, Ker Lann.
  • Date : 5-6 juin 2025

Modalités d’intervention

Les communicants interviendront sur une durée de 25 minutes qui sera suivie d’un temps de discussion. Les communications pourront avoir lieu en français ou en anglais

Modalités de soumission

Les propositions de communication peuvent être soumises, en français ou en anglais, par email, aux organisateurs sous la forme d’un résumé (300 à 500 mots), accompagné d’un titre provisoire, en format Word ou OpenOffice (.doc, .docx, .odt)

avant le 15 décembre 2024.

Un comité scientifique participera à la sélection des propositions qui doivent être envoyées conjointement aux trois organisateurs : bertrand.goujon@univ-reims.fr; camille.pollet1789@gmail.com; c.devasselot@icrennes.org.

Comité scientifique

  • Guido Castelnuovo (Avignon Université, CIHAM – UMR 5648)
  • Fanny Cosandey (EHESS, CRH – UMR 8558)
  • Michel Figeac (Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, CEMMC – UR 2958)
  • Frédérique Lachaud (Sorbonne Université, Centre Roland Mousnier – UMR 8596)
  • Éric Mension-Rigau (Sorbonne Université, Centre Roland Mousnier – UMR 8596)
  • Isabelle Poutrin (Université de Reims Champagne-Ardenne, CERHiC – UR 2616)

Édition

Les actes de ce colloque seront publiés.

Programme

Jeudi 5 juin 2025

INTRODUCTION (9h30)

  • Olivier DUPOURQUE (Directeur de l’Institut catholique de Rennes) : Mot d’accueil.
  • Isabelle VANDEN HOVE (Directrice de la Fondation d’Arenberg) : Présentation de la Fondation d’Arenberg et de ses activités.
  • Bertrand GOUJON (Université de Reims Champagne-Ardenne), Camille POLLET (CRHIA – CRH) et Clément de VASSELOT DE REGNE (Institut catholique de Rennes) : Introduction.

Pause (10h15)

Session 1 : Questions morales et éthique comportementale (10h45).

Présidente de session : Caroline MULLER (Université Rennes 2)

  • Mirella MARINI (Chercheure indépendante) : « The commandments of Anne of Croy: duty and responsibility in the life of a noble person ».
  • Jean de SAINT-BLANQUAT (EPHE-PSL) : « Discours ou contre-discours sur la noblesse dans l’autobiographie de Kata Bethlen ».
  • Milena LENDEROVA (Univerzita Pardubice) : « Mélanie Metternich, la monarchie de Juillet et les soucis de la princesse pour l’Europe ».

Déjeuner (13h)

Session 2 : Rang et pouvoir (14h30).

Président de session : Éric MENSION-RIGAU (Sorbonne Université)

  • Sara FOURCADE (Université Paris-Est Créteil) : « “Je vous ay bien voulu escripre comme celluy en qui j’ay autant de confidence”. Lettres de femmes de la noblesse au début du XVIe siècle ».
  • Camille CAPAROS (Aix-Marseille Université) : « L’écriture de “l’honneste femme” : expression féminine de la noblesse en contexte privé (Provence-Languedoc, XVIIIe-début du XIXe siècle) ».

Pause (16h)

  • Dorota VARGOVÁ (Institut für die Erforschung der Habsburgermonarchie und des Balkanraumes) : « The conveyed image of the Duke and Duchess of Marlborough in the duchess’s autograph “narratives” (1702–1711) ».
  • Claude-Isabelle BRELOT (Université Louis Lumière Lyon 2) : « Une femme dans la surenchère nobiliaire, 1872-1925 ».

Vendredi 6 juin 2025

Session 3 : Gestion des biens (9h30).

Présidente de session : Aurélie CHATENET-CALYSTE (Université Rennes 2)

  • Miguel AGUIAR (Universidade Nova de Lisboa) : « Women as founders of entails (morgadios and capelas) in the Portuguese territory (14th-17th centuries): shaping kinship according to nobiliary principles ».
  • Léa CHACON (Université de Rouen) : « Les écrits d’une femme noble administrant ses biens : Angélique de Fabert (1649-1730) ».

Pause (11h)

Session 4 : Sociabilités nobiliaires (11h30).

Président de session : Guido CASTELNUOVO (Avignon Université)

  • Benoît CANTET-GUEGUEN (UMR 8167 – Orient et Méditerranée) : « La parole des femmes de l’aristocratie dans la conception de la “noblesse” byzantine (XIe-XIVe siècles) »
  • Daniele CAPALDO (Università degli Studi di Roma Tor Vergata) : « Identités croisées : représentation et autoreprésentation de la noblesse romaine entre le XVIIIe et le XIXe siècle ».

Déjeuner (13h) :

Session 5 : Représentations nobiliaires (14h30).

Présidente de session : Fanny COSANDEY (EHESS)

  • Louis de VASSELOT DE REGNE (IRCOM ; ICR) : « Ce qu’est la noblesse : la voix des trouveresses ».
  • Tiphaine POCQUET DU HAUT-JUSSE (Sorbonne Nouvelle) : « Ambivalence du deuil pour une aristocrate : le cas Montmorency au XVIIe siècle ».
  • Wendy WIERTZ (Utrecht University) : « Through the needle, the pencil and the brush. Constructing an identity, networks and memories as aristocratic women amateur artists in 19th- and early 20th century Belgium ».

Conclusions (17h) : Éric MENSION-RIGAU (Sorbonne Université) et Michel FIGEAC (Université Michel de Montaigne Bordeaux 3).

Bibliographie indicative

Emmanuelle Berthiaud (dir.), Paroles de femmes. Rôles et images de soi dans les écrits personnels. Europe, xvie-xxe siècles, Paris, Éditions le Manuscrit, 2017, 245 p.

Guido Castelnuovo, Être noble dans la cité. Les noblesses italiennes en quête d’identité (xiiie-xve siècle), Paris, Classiques Garnier, 2014 (Bibliothèque d’histoire médiévale 12), 511 p.

Mathilde Chollet, Être et Savoir. Une ambition de femme au siècle des Lumières, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, 304 p.

Philippe Contamine (éd.), Nobles et noblesse en France, 1300-1500, Paris, CNRS, 2021, 393 p.

Fanny Cosandey, Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, EHESS, 2004, 336 p.

David Crouch, The Birth of nobility, Constructing Aristocracy in England and France: 900-1300, Pearson, Longman, 2005, 361 p.

Robert Descimon, Élie Haddad (éd.), Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne (xviiie siècle), Paris, Les Belles Lettres, 2010, 459 p.

Claudio Donati, L’idea di nobiltà in Italia, secoli xiv-xviii, Bari, Laterza, 1988 (Collezione storica), 402 p.

Aurora Egido, « La Nobleza virtuosa de la Condesa de Aranda, doña Luisa de Padilla, amiga de Gracián », Archivo de filología aragonesa, vol. 54-55, 1998, p. 9-41.

Suzanne Fiette, La noblesse française, des Lumières à la Belle Époque. Psychologies d’une adaptation, Paris, Perrin, 1997, 349 p.

Michel Figeac, Helena Potocka : une princesse européenne au temps des révolutions, Paris, Vendémiaire, 2023, 326 p.

Michèle Fogel, Marie de GournayItinéraires d’une femme savante, Paris, Fayard, 2004, 397 p.

Nathalie Grande, Stratégies de romancières de Clélie à La Princesse de Clèves (1654-1678), Paris, Honoré Champion, 1999 (Lumière classique), 497 p.

Chantal Grell, Arnaud Ramière de Fortanier (dir.), L’Éducation des jeunes filles nobles en Europe. xviie et xviiie siècles, Paris, Presses Universitaires Paris-Sorbonne, 2004, 218 p.

David Martens, L’imaginaire nobiliaire dans la littérature française du xxe siècle, Paris, Lettres Modernes Minard, 2016, 216 p.

Éric Mension-Rigau, Enquête sur la noblesse. La permanence aristocratique, Paris, Perrin, 2019, 394 p.

Alexander Murray, Reason and society in the Middle Ages, Oxford, Clarendon Press, 1978, 507 p.

Alessandro Palazzo, Francesca Bonini et Andrea Colli (éd.), La nobiltà nel pensiero medievale, Fribourg, Academic Press, 2016 (Dokimion 41), 223 p.

Camille Pollet, Définir la noblesse. Écriture et publication des traités nobiliaires au xviie siècle (Angleterre, France et Espagne), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2023 (Histoire), 389 p.

Josette Pontet, Michel Figeac, Marie Boisson (éd.), La noblesse de la fin du xvie au début du xxe siècle, un modèle social ?, Anglet, Atlantica, 2002, 2 vols.

Isabelle Poutrin, Le Voile et la Plume. Autobiographie et sainteté féminine dans l’Espagne moderne, Madrid, Casa de Velázquez, 1995, 495 p.

Martine Reid (éd.), Femmes et littérature. Une histoire culturelle, Paris, Gallimard, 2020 (Folio Essais), 1040 p. (2 vol.).

Andrea A. Robiglio, « The Thinker as a Noble Man (bene natus) and Preliminary Remarks on the Medieval Concepts of Nobility », Vivarium, 44/2-3 (2006), p. 205-247.

Joanne M. Robinson, Nobility and annihilation in Marguerite Porete’s Mirror of simple souls, Albany, State University of New York Press, 2001 (Suny series in Western esoteric traditions), 178 p.

Monique de Saint-Martin, L’espace de la noblesse, Paris, Métailié, 1993 (Leçons de choses), 326 p.

Ellery Schalk, L’épée et le sang. Une histoire du concept de noblesse, vers 1500 – vers 1650, Seyssel, Champ Vallon, 1996 (Époques), 189 p.

Frances Teague, Bathsua Makin, Woman of Learning, Lewisburg, Bucknell UP & Associated UP, 1998, 207 p.

Maaiké Van der Lugt et Charles de Miramon (éd.), L’hérédité entre Moyen Âge et Époque moderne, Florence, Sismel, 2008 (Micrologus’ Library 27), 412 p.

Claudia Wittig, Learning to be noble in the Middle Ages. Moral Education in North-Western Europe, Turnhout, Brepols, 2022 (Disputatio 33), 295 p.

Catégories

Lieux

  • ICR – Campus de Ker Lann – 48, Rue Blaise Pascal
    Bruz, France (35170)

Format de l’événement

Événement uniquement sur site

Dates

  • jeudi 05 juin 2025
  • vendredi 06 juin 2025

Fichiers attachés

Mots-clés

  • noblesse, femme, discours féminin, histoire

Contacts

  • Bertrand GOUJON
    courriel : bertrand [dot] goujon [at] univ-reims [dot] fr
  • Clément De Vasselot
    courriel : c [dot] devasselot [at] icrennes [dot] org
  • Camille POLLET
    courriel : camille [dot] pollet1789 [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l’information

  • Clément De Vasselot
    courriel : c [dot] devasselot [at] icrennes [dot] org