"Adam et Eve autour de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal", Théodore de Bry, India occidentalis (Fondation Bodmer, Bodmerlab, Université de Genève).
Les voyageurs en Amérique sont majoritairement animés par la volonté de construire un savoir sur le monde inconnu pour le diffuser auprès du lectorat européen, que leur séjour ait duré quelques semaines ou plusieurs mois. Toutefois, leur relation est invariablement colorée par leurs croyances : celles, anciennes, qu’ils projettent sur le Nouveau Monde ou qu’ils adaptent à celui-ci, et celles, nouvelles, qu’ils créent, telles que l’Eldorado et, plus tard, le Bon Sauvage. Aussi Jean de Léry entreprend-il de construire un savoir sur le Brésil, fort de son séjour de presque une année « par-delà ». Dans son récit, des descriptions naturalistes de la faune et de la flore côtoient des notations qui témoignent d’un rapport au monde pétri de mythes et de croyances, telles que la fontaine de jouvence ou le poisson à tête humaine. Mythe ou science, il ne s’agit pas de faire le départ entre les deux à une époque où les contours de l’épistémè sont bien différents de ceux d’aujourd’hui, mais bien plutôt d’observer la complexité de cette entreprise de configuration de l’expérience américaine, et la manière dont le Nouveau Monde est à l’origine, sous la plume de Léry, de nouveaux mythes.