Marina Seretti : Psyché alanguie. Promesses de ravissement et menaces de viol dans le sommeil à la Renaissance

Cette section constitue la partie 6 de 11 du numéro
LE VERGER – Bouquet IV : Viol et ravissement

Marina Seretti, Université Paris-Sorbonne

GIULIO ROMANO, "Psyché et Cupidon", 1526-28, Fresco Sala di Psiche, Palazzo del Tè, Mantua (source : WGA)

GIULIO ROMANO, "Psyché et Cupidon", 1526-28, Fresco Sala di Psiche, Palazzo del Tè, Mantua (source : WGA)

 

Depuis la fable d’Apulée jusqu’à la métaphore mystique de l’âme-papillon, la figure léthargique de Psyché s’offre à l’alternative du ravissement spirituel et du rapt sensuel, voire à leur étrange condensation. L’évolution de cette figure dans l’art et la littérature de la Renaissance permet d’interroger cette analogie entre les rapts du corps et de l’âme. Les sommeils de Psyché se métamorphosent et son image se transforme (pose, gestuelle, expression) selon qu’elle s’abandonne aux promesses du ravissement ou qu’elle s’offre aux menaces d’un viol érotisé. Ces déplacements de sens – liés à certaines exégèses, directes ou indirectes, comme celles de Fulgence, Boccace et Marsile Ficin – s’accompagnent de condensations formelles. Ainsi, sur les coffres de mariage florentins du XVe siècle, Psyché, endormie au jardin d’Eros, devient la soeur de l’Epouse du Cantique des Cantiques. Sur les vitraux d’Ecouen, son sommeil voluptueux la rapproche des Vénus endormies. À Mantoue, Giulio Romano en fait une nymphe approchée par un satyre qui préfigure et désacralise Eros. Tentatrice savamment alanguie, Psyché s’approprie les postures érotiques de Vénus et des nymphes dans les gravures maniéristes du XVIe siècle. Dès lors, le rapt charnel semble l’emporter sur la divine extase. A la même époque pourtant, nous retrouvons l’ombre de Psyché, spirituelle dormeuse, à l’œuvre dans les métaphores mystiques de Jean de la Croix et de Thérèse d’Avila. Les métamorphoses de Psyché ne sont pas finies, son sommeil favorise l’analogie paradoxale des possibles contraires.

 

Pour consulter le sommaire du bouquet du Verger consacré à “Viol et ravissement”, on peut se reporter ici.

 

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