Programme « Les représentations du jardin à la Renaissance »

BOTTICELLI, Sandro, Primavera, c. 1482 Tempera on panel, 203 x 314 cm, Galleria degli Uffizi, Florence

BOTTICELLI, Sandro, Primavera, c. 1482
Tempera on panel, 203 x 314 cm, Galleria degli Uffizi, Florence

Les séances auront lieu le 11 avril en Sorbonne et le 06 juin 2015 à Couture-sur-Loire, manoir de la Possonnière*

Nous ferons, ma Diane, un jardin fructueux :

J’en serai laboureur, vous dame et gardienne.

Vous donnerez le champ, je fournirai de peine,

Afin que son honneur soit commun à nous deux.

Les fleurs dont ce parterre éjouira nos yeux

Seront vers florissants, leurs sujets sont la graine,

Mes yeux l’arroseront et seront sa fontaine

Il aura pour zéphyrs mes soupirs amoureux.

Vous y verrez mêlés mille beautés écloses,

Soucis, oeillets et lys, sans épines les roses,

Ancolie et pensée, et pourrez y choisir

Fruits sucrés de durée, après des fleurs d’attente,

Et puis nous partirons à votre choix la rente :

A moi toute la peine, et à vous le plaisir.”

Agrippa d’Aubigné, sonnet XX de l’Hécatombe à Diane

Pour cette troisième session printanière de notre séminaire, nous avons choisi  d’évoquer le thème des représentations du jardin à la Renaissance. Par goût personnel, et parce que notre association Cornucopia, et notre revue, Le Verger, s’inscrivent dans des thématiques florales, fruitières et jardinières, il nous paraissait évident de consacrer une session de Chorea à ce thème, afin d’ébaucher plus sérieusement une réflexion autour de ces thèmes que nous effleurons constamment dans nos activités de recherche. Au centre de la réflexion humaniste qui replace l’homme au centre de l’univers, le jardin est un lieu d’agrément, mais plus encore le lieu qui replace l’homme dans une harmonie avec la nature et lui permet de la domestiquer, mais également de repenser sa place dans le monde.

La présente session s’articule, non pas autour de la conception nouvelle des jardins qui émerge au milieu du XVe siècle en tant que dépendance de la demeure, en tant que site mais au-delà, sur l’apport de la réflexion sur le jardin à la pensée humaniste.

Programme :

Séance 1. Le samedi 11 avril 2015 

Marie Goupil et Adeline Lionetto : Introduction générale

  • Eugénie Jamet, “Le jardin en Angleterre, thérapie du corps et de l’âme,  1558-1688
  • Isabelle Bouvrande“De l’érotisme au jardin: Tintoret et l’Hypnerotomachia Poliphili  (Venise, 1499)”

Séance 2. Le samedi 6 juin 2015

  • Vincent Dorothée : “Le jardin côté cour: permanence d’une feinte et d’une figure dans la fête curiale à la Renaissance (1573-1627)”

Cadre occasionnel de la fête curiale à la Renaissance, du moins selon certains témoignages graphiques et picturaux (Réception des Ambassadeurs de Pologne, 1573), le jardin apparaît en revanche de façon récurrente, voire systématique, dans les ballets ou autres festivités et cérémonies princières de la période, sous forme de feinte, de machine ou de figure symbolique.

A l’articulation des XVIe et XVIIe siècles, le ballet de cour paraît intimement associer la figure du jardin à celle de la magicienne néfaste, veritable pivot symbolique et dramatique de la représentation. C’est effectivement dans le jardin clos de son empire que Circé se révèle complètement dans le Ballet Comique de la Royne (1581). C’est encore un jardin qui constitue le cadre des enchantements qu’Armide exerce sur Renaud, et qui sert ensuite de théâtre à la dissolution de ce pouvoir magique dans La Délivrance de Renaud (1617), ballet dansé devant Marie de Médicis par le jeune Louis XIII peu avant son fameux « coup de Majesté ». 

C’est par le biais de ces spectacles de cour appartenant plus particulièrement à la sphère culturelle «franco-lorraine » de la première modernité que cette communication se propose d’envisager la prégnance, la récurrence et la pérennité du jardin, « réduit » ici au statut de feinte et de figure, et d’en interroger les raisons et les enjeux. Métaphore d’un monde parfois labyrinthique, en quoi et comment le jardin est-il, sous cette forme, susceptible de participer à l’allégorie « cosmico-politique » de la fête ou de la cérémonie curiale ?

  • Isabelle Imbert : “Jardin rêvé et jardin réel en Iran à la Renaissance”

Le jardin occupe une place particulièrement importante dans la culture persane depuis la plus haute antiquité. Espace clos traversé de canaux et empli de fleurs et d’arbres fruitiers, il symbolise le paradis décrit dans le Coran et revêt une fonction civilisatrice au cœur d’un vaste territoire majoritairement désertique et montagneux.

Cette communication propose d’étudier comment la dynastie safavide, au pouvoir en Iran entre 1501 et 1722, perpétue la tradition du jardin en remployant des images développées dans la poésie persane médiévale. Par la construction de luxueux palais au sein de la capitale, Ispahan, ou au sein des albums alliant peintures et calligraphies, le jardin revêt des formes multiples, parfois complexes à percevoir.

Celui-ci se traverse, se visite, mais aussi se rêve et se médite. A travers son image, l’amant atteint l’aimé et l’âme atteint Dieu. Il est à la fois lieu de connaissance, de rencontre et de partage, autant de symboles qui reflètent l’émulation que vit l’Iran safavide à l’époque de la Renaissance.

  • Laurent Paya : “Rhétorique et esthétique de l’art des jardins en France au XVIe siècle”
Des travaux universitaires importants ont montré de quelle façon l’art du discours à l’antique, que l’on enseigne aux enfants des écoles durant le XVIe siècle, a conditionné la pensée créative des scientifiques, des artistes, des architectes, des écrivains et des poètes, tels que Pierre de Ronsard. L’art des jardins français de cette époque, que nous connaissons à travers l’œuvre de Jacques Androuet Du Cerceau, ne déroge pas à cette règle. En effet, la morphogénèse de ces espaces théâtralisés, qui ne préexistent pas au Moyen Age, est clairement la conséquence d’une transposition métaphorique basée sur d’autres champs artistiques. De plus, ces systèmes décoratifs, structurés comme des Odes, sont ornés de motifs dont l’usage est analogue à celui de l’elocutio. La copia (abondance) et la varietas (diversité), présentées comme les principales qualités d’une œuvre poétique, sont d’autres composantes de leur esthétique.
  • Marie-Claire Thomine« Le jardin d’Eutrapel : le motif de la retraite rustique dans les Contes et Discours d’Eutrapel de Noël Du Fail (1585) »

Les Contes et Discours d’Eutrapel, dernière œuvre narrative d’un auteur qui s’était fait connaître en sa jeunesse par les Propos Rustiques (1547) et les Baliverneries d’Eutrapel (1548), s’achèvent sur une prise de congé : le « feu seigneur de La Hérissaye », à qui l’on doit l’ouvrage, met à la retraite Eutrapel qui se retire désormais à la campagne dans sa « demeure philosophale et de repos » ; nous examinerons, dans l’emploi du temps alors imaginé par le personnage, la place occupée, aux côtés des activités de l’otium litteratum (lecture, conversation, écriture), par le jardinage et les travaux des champs. Comme en témoignent maints passages de son traité Du Théâtre d’agriculture et mesnage des champs (1600), Olivier de Serres, nous le verrons, a fait une lecture attentive de ce chapitre consacré à la « retraite d’Eutrapel ».

Maîtresses de ballet : Marie Goupil-Lucas-Fontaine et Adeline Lionetto.

* Exceptionnellement, en raison du pont du 1er mai, la séance du 2 mai initialement prévue est supprimée et compensée par la journée d’étude du 6 juin.