CR Chorea : Portrait – Séance du 18 janvier 2014

Quand les portraits se répondent… Diptyques et séries

Hans Wertinger, "Portraits du duc Wilhelm IV de Bavière et de Maria Jacobäa de Bade", 1526, 68 x 45 et 69 x 45 cm, Munich, Alte Pinakothek © DR

Hans Wertinger, "Portraits du duc Wilhelm IV de Bavière et de Maria Jacobäa de Bade", 1526, 68 x 45 et 69 x 45 cm, Munich, Alte Pinakothek © DR

10h

Des portraits de couples pour une dynastie : les Wittelsbach de Bavière au XVIe siècle

par Marianne BOURNET-BACOT (université de Picardie Jules Verne / Histoire de l’art)

Cet exposé présentera un aspect de mon doctorat sur les portraits de couples dans la peinture en Allemagne aux XVe et XVIe siècles. J’aborderai la thématique des portraits princiers et plus précisément la suite de portraits de couples commandés par les ducs de Bavière : les Wittelsbach. Il n’était pas rare, à cette époque, qu’un prince décide de constituer une galerie de ses ancêtres et de sa famille, afin d’illustrer sa légitimité et ses alliances.

Dans les années 1530, l’idée mûrit chez Wilhelm IV de Bavière de créer des suites de portraits de famille, dans lesquelles les ancêtres décédés ne joueraient numériquement qu’un tout petit rôle, si bien que le nom de galerie des ancêtres est, dans ce cas-là, à utiliser avec prudence. Les contraintes qui furent données aux peintres étaient claires : peindre une rangée de tableaux de mêmes dimensions, aux schémas semblables, d’hommes et de femmes en représentation, avec la tenue d’apparat, les emblèmes de leur rang et les témoins de leur état social.

Je montrerai l’évolution stylistique de ces portraits de couples, dont la suite fut prolongée jusqu’à l’aube du XVIIe siècle et qui font la transition entre l’art du portrait de la fin du Moyen Âge avec un peintre comme Hans Wertinger, et celui du début de la Renaissance maniériste, avec Hans von Aachen. De tels artistes furent choisis par les ducs pour servir un projet : s’égaler par le portrait à leurs plus grands rivaux les Habsbourg, car les Wittelsbach rêvaient alors d’Empire. Ces portraits de couples traduisent bien les jeux d’alliance indispensables pour se hisser aux premiers rangs de l’Europe.

10h30

Discussion

11h

Entre illusion et allusion : les portraits des propriétaires sculptés en médaillons dans les monuments de la Renaissance en France

par Sarah MUNOZ (université Toulouse II – Le Mirail / Histoire de l’art)

Les têtes en médaillon sculptées, issues des médailles, camées et imagines clipeatae de l’Antiquité, sont des ornements d’architecture très récurrents dans la première moitié du XVIe siècle en France. Par leurs sources et leur iconographie, ces ornements « à l’antique » permettaient de rapprocher les monuments de la Renaissance des villas romaines avant que les ordres d’architecture (dorique, ionique, corinthien) soient parfaitement maîtrisés et ne les supplantent. Les portraits des douze Césars, de Mercure ou de Lucrèce, mis en valeur par des encadrements circulaires, évoquaient ainsi une culture humaniste que les hommes du XVIe siècle revendiquaient.

Certains propriétaires de châteaux ou d’hôtels particuliers, peut-être en signe d’affichage et de possession, voulurent également faire sculpter leur buste sur la façade de leur demeure ou dans les cours intérieures. Cet ornement rend alors compte de l’individualisation du portrait à la Renaissance et pousse à s’interroger sur sa place dans l’art du portrait. Si ces identifications relèvent souvent du légendaire local, elles sont néanmoins parfois attestées par des inscriptions. D’autres bustes, non identifiés, soulèvent davantage de questions lorsqu’il s’agit d’hommes et de femmes en habits du XVIe siècle, intégrés de façon significative à la façade. Donnant l’illusion de sortir de fenêtres, ces bustes en haut-relief placés entre portraits réels et portraits allusifs interrogent ainsi le portrait symbolique et la nécessité de la ressemblance.

11h30

Discussion

12h

Des paroles et des actes : lecture des Vies de Plutarque à la Renaissance. Le portrait au service de la philosophie morale

par Bérengère BASSET (université Toulouse II – Le Mirail / Lettres classiques)

je n’ay pas pris à escrire des histoires, ains des vies seulement : et les plus hauts et les plus glorieux exploits ne sont pas tousjours ceulx qui monstrent mieulx le vice ou la vertu de l’homme : ains bien souvent une legere chose, une parole ou un jeu, mettent plus clairement en evidence le naturel des personnes, que ne font pas des deffaites où il sera demouré dix mille hommes morts, ne les grosses batailles, ny les prises des villes par siege ne par assault. […] aussi nous doibt on conceder que nous allions principalement recherchans les signes de l’ame, et par iceulx formans un portraict au naturel de la vie et des mœurs d’un chascun, en laissant aux historiens d’escrire les guerres, les batailles et autres telles grandeurs.

Plutarque, Vies des hommes illustres, trad. Jacques Amyot, Paris, Le Club français du livre, 1953 [Paris,Vascosan, 1567], Vie d’Alexandre, t. 2, p. 383.

 Définissant, à l’orée de la Vie d’Alexandre, le projet qu’il poursuit dans l’écriture des Vies, Plutarque se démarque des historiens et propose une entreprise qui relève de la philosophie morale. Les « portraits au naturel » qu’il brosse des grands hommes sont au service de la formation des mœurs ; c’est ainsi du moins que l’on lit les Vies des hommes illustres à la Renaissance.

Les Vies des hommes illustres invitent dès lors à une réflexion sur le portrait, sur la forme qu’il prend et les enjeux qu’il revêt. Le portrait des grands hommes est présent à tous les endroits des biographies qu’en dresse Plutarque : chaque élément rapporté constitue un « signe de l’âme ». Tout ce que disent et font les grands hommes participe de leur éthopée. L’image qui se dessine est conçue comme un « miroir » devant lequel nous sommes invités à « raccoustrer aucunement [notre] vie, et la former au moule des vertus de ces grands personnages » (Vie de Paul Émile, t. 1, p. 517).

C’est à cette pratique du portrait que dessinent les Vies de Plutarque que nous souhaiterions nous intéresser. Notre étude portera sur l’édition des Vies traduite par Amyot que propose Simon Goulart (Genève, Jeremie des Planches, 1583) : enrichie de sommaires, de manchettes, de « vives efigies […] soigneusement retirees des medailles antiques », cette édition met en valeur la lecture morale, voire moralisante, qui est proposée des Vies, elle dégage les éléments de portrait moral pour leur donner un sens et tient compte de la galerie de portraits qu’offrent les Vies. Nous tâcherons de dégager les différentes implications de cette édition, la manière dont elle informe une certaine saisie du portrait des grands hommes à la Renaissance.

12h30

Discussion