“Paul Manuce ; les débuts d’un imprimeur humaniste”
CR de l’article de Raphaële Mouren
Comme son titre l’indique, l’article de Raphaële Mouren s’attache aux débuts du fils d’Alde, Paul Manuce. Par là-même, il est descriptif, contient une annexe copieuse donnant les notices bibliographiques des éditions citées classées par ordre chronologique (5 pages) et intéressera tous les chercheurs qui s’interrogent sur les conditions dans lesquelles Paul Manuce (figure exemplaire) a commencé son activité.
En 1533, Paul, né en 1512, relance l’imprimerie, improductive depuis 1529, avec ses oncles, Gian Francesco et Federico Torresano d’Asola, fils de l’associé d’Alde, Andrea Torresano, dont Alde épousa la fille, mère de Paul. À cette date, Il débute une double carrière : il sera constamment imprimeur et philologue – ou éditeur scientifique – à la fois. Alde, qui avaitété précepteur et imprimeur, était un érudit mais n’avait jamais cherché àdevenir “humaniste professionnel”. Paul, quant à lui, s’y emploie.
Il explique d’ailleurs dans la dédicace au vénitien Maffeo Leoni, placée au début de son édition des Lettres familières de Cicéron, qu’il n’aurait pas voulu devenir imprimeur, car ses goûts le conduisent davantage vers la philologie. Mais, dit-il, il ne supporte pas de voir le nom de son défunt père entaché par la négligence de ses successeurs et parents – les Torresano, avec qui les relations ne cessent de se dégrader, ce queRaphaële Mouren rapporte de façon détaillée.
Les Lettres familières sont l’un des quatre premiers travaux effectués par Paul Manuce : ils se décomposent en trois rééditions (Pétrarque, lesCarmina de Pontano et la Rhétorique à Herennius) et en une édition totalement neuve (les Lettres familières). Éditer le texte de Cicéron lui prend deux ans et huit mois : “il s’agit d’une entreprise scientifique consistant à établir au mieux le texte des auteurs antiques”, et non àcombler une rupture de stock. Les rééditions aussi font l’objet d’un travail nourri et de longue haleine.
Raphaële Mouren interprète la colère de Paul pour la négligence des Torresano comme la marque d’une difficulté à supporter que l’imprimerie aldine soit devenue, pour les humanistes, la typographie asolane. Quoi qu’il en soit, les humanistes s’intéressent de très près aux travaux de Paul, comme en témoignent des échanges de lettres, mais plus généralement aussi aux publications des presses asolanes ou aldines – ce qui tempère l’image dégradée qu’en offre Paul Manuce.
Pour finir son article, Raphaële Mouren se penche sur les liens entre Paul Manuce et Gian Battista Egnazio, qui enseigne à Venise et qui a participéà des éditions de texte. Egnazio a été le maître de Paul et l’a peut-être accueilli chez lui. Ses rapports avec les Torresano sont mi-figue mi-raisin : il choisit le parti de Paul, qui commence sa carrière dans les meilleures conditions, sous le regard bienveillant et avec le soutien d’humanistes prestigieux.
Compte rendu fait par Anne Debrosse.