“Portraits. Entre conceptions et réceptions” : introduction
Par sa récurrence, le portrait est un thème incontournable de l’histoire de l’art. Quelles que soient les approches revendiquées, il continue de faire l’objet d’articles, de conférences et de colloques entiers. À ce titre, il est plus qu’un thème.
Fondement, transversale de l’histoire de l’art, il est une source inépuisable d’où essaiment de multiples questionnements sans cesse renouvelés face aux productions de toutes les périodes et les cultures. Les portraits posent en premier lieu la question de l’identité du modèle, de l’artiste, du commanditaire et du public mais pas seulement : ils mènent à confronter les matériaux et les supports, discuter les choix de représentation, chercher dates et détails, arbitrer les sens affichés ou cachés et susciter les interprétations, rapprocher les œuvres entre elles pour systématiser ou originaliser, réfléchir aux recettes qui ont présidé à leur élaboration. Pourvu qu’il y ait figure humaine, le portrait est cherché, même dans les œuvres qui n’en portent pas le nom ; une nouvelle fois, il active ces interrogations qui sont au cœur de la discipline.
Protéiforme et gigantesque, le portrait est devenu un objet d’étude à l’ampleur vertigineuse.
Son étymologie le destinait même à des espaces encore plus grands.
Nous connaissons l’acception extrêmement large du mot « pourtraict » à la Renaissance. « Pourtraire » a alors le sens de tracer et de dessiner. Toute chose – figure humaine, édifice, végétal, animal… modèle de broderie ! – peut ainsi être représentée par le trait – « sur le vif » ajoutant l’idée de la copie d’après nature, de la mimesis.
Ce n’est qu’à partir du XVIIe siècle que le mot « portrait » se fixe dans son acception moderne de ressemblance à un individu déterminé, acception que consacreront les académies.
À ce sens précis et moderne sont donc dédiées les trois séances de « Portraits. Entre conceptions et réceptions », mais l’élargissement est cette fois conçu par-delà les arts qu’étudie l’histoire de l’art.
En trouvant son origine dans le dessin, le genre existe dans toutes les techniques qui en relèvent. De la peinture à l’estampe, de l’architecture à la sculpture, de la numismatique au livre imprimé, on le retrouve alors sous une forme attendue pour un historien de l’art, une mimesis qui, même si elle peut se révéler originale par certains aspects, offre systématiquement un vocabulaire connu et maîtrisé.
Mais ne parle-t-on pas encore de portrait dans les domaines de la musique ou des lettres ? Ainsi le portrait est-il un genre littéraire identifié. Dans les livres imprimés de la Renaissance et par un jeu de miroir, on le voit parfois associé à son pendant graphique.
Que penser encore de l’emblème, qui signifie l’individualité à travers la complémentarité de l’image et de la sentence ? Portrait vertueux que se fait de lui-même le modèle.
« Portraits » donc, tant les formes sont multiples, se retrouvant dans toutes les productions humaines de type communicationnel.
Au cours du séminaire, il s’agira de les envisager dans leur globalité, de leur élaboration mentale à leur soumission aux regards – et aux autres sens – : les historiens de l’art diraient du disegno ou dess(e)in (à la fois idée et invention de l’artiste) à la réception par le public auquel il est destiné.
L’objectif de ces séances est donc de faire résonner entre diverses disciplines une notion classique – mais non exclusive – de l’histoire de l’art, qui retient nombre d’autres chercheurs, quelle que soit la nature du « portrait » étudié. Par-delà les différences terminologiques, il s’agit d’une invitation à réfléchir aux points de contact – ou aux espaces infranchissables – entre les disciplines : chacun n’a-t-il jamais tenté d’étudier le matériel scientifique de l’autre avec son bagage méthodologique spécifique, afin d’approfondir réflexion et regard sur son propre objet d’étude ?
L’actualité de la recherche a guidé le choix des thèmes des trois séances qui se succèderont de janvier à mars. Chaque présentation par des chercheurs en histoire de l’art, en lettres modernes ou classiques, en neurosciences cognitives sera l’occasion d’autant de temps de discussion, qui permettront de réfléchir ensemble sur les points mis en question.