Les fêtes de Charles Quint : questions de corpus pour les livres de cérémonies allemands durant la Première Modernité
Arnaud Rusch (Universités de Grenoble et de Liège)
La communication dont on lira ici le compte-rendu a eu lieu dans le cadre de la journée d’étude organisée le 22 février 2012 à l’Université de Grenoble par Anthony Lenoir et Arnaud Rusch, “Images de fêtes, fêtes en images, problématiques d’une mémoire visuelle des pratiques festives et cérémonielles de l’Antiquité à nos jours”.
Jusqu’à présent, le livre de fête a beaucoup été étudié comme un témoignage historique et très peu comme un genre éditorial à part entière. Helen Watanabe-O’kelly et Anne Simon font partie des spécialistes qui se sont penchés sur cette question générique : “Le livre de fête en tant que genre [est] un ouvrage qui décrit et/ou illustre une célébration officielle organisée par, ou en lien avec, une cour, une ville ou une organisation religieuse[.] [C’est] une publication officielle et qui rapporte donc d’une manière particulière la cérémonie en elle-même” (in Festivals and Ceremonies. A Bibliography of Works relating to Court, Civics and Religious Festivals in Europe 1500-1800, Londres, Cassell, 2000).
Plus de 190 livres de fête ont été produits sous le règne de Charles Quint et à l’occasion de cérémonies qui visaient à le mettre à l’honneur. Le futur empereur est aussi le premier des Habsbourg dont la naissance fut célébrée par la publication d’un livre entièrement dédié à cet événement. L’ensemble des livres de fête publiés autour de sa personne permet d’établir une chronologie de son règne mais dresse en outre un monument à sa mémoire. Toutefois, certains événements n’ont donné lieu à aucune publication, et plus de la moitié du corpus correspond à des entrées solennelles. 57 cérémonies sont ainsi l’occasion de la réalisation et de l’impression d’un ou de plusieurs livres de fête.
Chacune des 57 cérémonies fait en effet l’objet d’une publication locale et donne généralement lieu à un ou deux opuscules, plus rarement à trois. La langue utilisée dans chaque ouvrage est bien sûr toujours en relation avec le lieu de production. On note que la plupart des livres bilingues ont été imprimés aux Pays-Bas. Le latin est utilisé tantôt car il s’agit de la langue internationale tantôt parce qu’il symbolise l’humanisme.
Notons que cinq cérémonies donnent lieu à des publications à l’étranger, qui s’inspirent de sources littéraires (des poèmes de circonstance), de sources manuscrites ou encore d’écrits d’origine diplomatique. Le sacre de Charles Quint en 1530 à Bologne -au cours duquel il reçoit la couronne de fer des rois d’Italie des mains du pape Clément VII- est par exemple à l’origine de 19 ouvrages. Parmi ces livres, on trouve un exemplaire en latin, imprimé à Anvers, ou encore un ouvrage qui ne comporte que des images, sorti des presses d’Hondius à La Haye. Tous les autres sont écrits dans les langues des régions où ils paraissent. De la première publication liée à cet événement (le livre qui paraît en mars 1530 à Bologne, chez Di Phaelli) dérivent les autres ouvrages : un réseau de copies se déploie permettant ainsi à la mémoire de l’événement de se diffuser. Cette diffusion est très rapide puisque toutes ces éditions datent de 1530.
Six temps forts sont à distinguer dans la vie de Charles Quint, temps forts auxquels correspond un nombre important de publications de livres commémoratifs :
1) son élection et son couronnement en 1519
2) son sacre à Bologne suivi d’un voyage en Allemagne en 1530
4) son tour d’Italie de 1535-1536 correspondant à plusieurs entrées
5) son tour de France de 1539-1540
6) ses funérailles en 1558.
L’imprimerie permet ainsi de diffuser la mémoire du prince en Europe et de le rendre virtuellement présent parmi ses sujets.
Compte-rendu par Adeline Lionetto-Hesters (mai 2012).