Colloque Cornucopia : D’Adonis à Alexandre

D’Adonis à Alexandre : Cartographie du masculin de la Renaissance aux Lumières dans les littératures européennes

Colloque organisé par Véronique Gély, Anne Debrosse, Marie Saint Martin, Aurélia Tamburini

 

René Boyvin, Tête masquée, gravure sans date, Graphische Sammlung Albertina, Vienne (wga)

René Boyvin, Tête masquée, gravure sans date, Graphische Sammlung Albertina, Vienne (wga)

Ce colloque international aura lieu les 4, 5 et 6 juin 2015 à Paris. Il est organisé par Cornucopia et par le CRLC (Centre de Recherche en Littérature comparée) de Paris-Sorbonne.

Le colloque se tiendra sur trois jours, le jeudi 4 juin 2015, le vendredi 5 juin 2015 et le samedi 6 juin 2015, à Paris (Paris-Sorbonne). Vous pourrez trouver des informations pratiques ici.

Programme

Jeudi 4 juin 2015, Sorbonne, amphithéâtre Cauchy (esc. E ou F au 3e étage)

13h30 Accueil des participants.

13h45 Véronique Gély, Anne Debrosse, Marie Saint Martin, Aurélia Tamburini : Introduction.

Les qualités du masculin I : Normes

Présidente de séance : Florence Dupont

14h00 Ariane Bayle (Université Lyon 3) : « La figure du bon médecin et le modèle héroïco-viril au début de l’époque moderne (textes médicaux / textes littéraires) ».

14h45 Françoise Le Borgne (Université Blaise-Pascal) : « Les Amérindiens au XVIIIe siècle : des hommes sans virilité ? »

15h30 Pause.

Président de séance : Jean-Christophe Abramovici

16h00 Barbara Muller (Université de Strasbourg) : « “Cesse, mon frère, je te prie : et ne joue pas avec ce langage efféminé sur un sujet aussi sérieux.” : la virilité des métaphores dans les romances de William Shakespeare. »

16h45 Nina Hugot (Université Paris-Sorbonne) : « « Monstre-toy non point femme, mais homme » : le masculin et sa représentation dans la tragédie humaniste ».

17h30 Jean-François Lattarico (Université Lyon 3) : « Aux frontières du masculin. L’androgynie (anti)-héroïque dans les premiers romans italiens du XVIIe siècle ».

19h00 Repas

20h30 : Spectacle. Les Silencieuses, Sorbonne, amphithéâtre Richelieu

Texte et jeu : Nicolas Raccah.

Co‐conception et mise en scène : Frédérique Ait‐Touati.

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Vendredi 5 juin 2015, salle 35 de la Maison de la Recherche

Les qualités du masculin II : Déviances

9h00 : accueil des participants

Présidente de séance : Caroline Fischer

9h30 Gary Ferguson (University of Delaware) : « Jeanne Flore pédéraste ».

10h15 Charlotte Simonin (Lycée Poincaré, Nancy) : « D’Aza à Ziman, en passant par l’Autre Moi, Charmant, Clerval, Disenteuil, Doudou et Trazile : figures du masculin selon Françoise de Graffigny ».

11h00 Discussion et pause

Présidente de séance : Véronique Gély

11h15 François Lecercle (Université Paris-Sorbonne) : « La masculinité inquiète du théâtrophobe : sur le travesti dans les polémiques contre le théâtre ».

12h00 Caroline Fischer (Université de Pau et des Pays de l’Adour) : « L’homme qui par la bouche des femmes critiquait les hommes ».

12h45 Repas

Présidente de séance : Ariane Bayle

14h00 Delphine Amstutz (Université Paris-Sorbonne) : « Le favori travesti dans les romans de l’âge baroque. »

14h45 Emmanuel Buron (Université Rennes 2) : « Les figures de l’homme dans les tragédies humanistes ».

15h30 Pause

Président de séance : Gary Ferguson

16h00 Nathalie Grande (Université de Nantes) : « Masculinité rêvée : la végétalisation des héros chez les conteuses au tournant des XVIIe-XVIIIe siècles ».

16h45 Marie-Pierre Harder (Université Paris-Sorbonne) : « Être ou ne pas être un homme : Mythopoétique comparée d’une virilité en crise dans les (re)configurations discursives de la fable d’Hercule à la croisée des chemins, de la Renaissance aux Lumières ».

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Samedi 6 juin 2015, salle des Actes de la Sorbonne

9h00, accueil des participants.

Des corps qui comptent I : Sexualités

Présidente de séance : Nathalie Grande

09h15 Cyril Gendry (Université Paris-Sorbonne) : « Parler d’amour entre hommes à la Renaissance : Achille et Patrocle comme modèle ».

10h00 Dominique Bertrand (Université Blaise-Pascal) : « Dassoucy, un « mâle étrange » en mal de reconnaissance : trouble dans la représentation sexuelle ».

10h45 Discussion et pause

Président de séance : François Lecercle

11h30 Audrey Gilles-Chikhaoui (Université d’Aix-Marseille) : « Le corps masculin érotisé dans L’Heptaméron ».

12h15 Raphaelle Brin (Université Paris-Sorbonne) : « Casanova : icône virile ? Enjeux et limites d’un mythe sexuel”. »

13h00 Natacha Salliot (Université Paris-Sorbonne) : « Les déplacements du masculin dans la littérature de dévotion (France, 1600-1620) ».

13h45 repas

Comité scientifique :

Jean-Christophe Abramovici, Sandra Boerhinger, Valentina Denzel, Florence Dupont, Gary Ferguson, Véronique Gély, Nathalie Grande, François Lecercle, Véronique Lochert, Florence Lotterie, Fiona Macintosh, Frédéric Regard, Zoé Schweitzer, Violaine Sébillotte-Cuchet, Clotilde Thouret.

Comité d’organisation :

Véronique Gély, Anne Debrosse, Marie Saint Martin, Aurélia Tamburini.

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Adonis, Alexandre, Isaac, Jacob, Henri VIII, d’Artagnan, Casanova, Jean-Jacques, Hippolyte, Hamlet, mais aussi les Amazones et Jeanne d’Arc… toutes ces figures historiques, mythologiques ou fictionnelles interrogent à leur façon notre rapport au masculin. L’exercice de la masculinité prend des postures variées, différentes et étonnantes.

En juin 2012, le colloque comparatiste « Fiction(s) du masculin » s’est donné pour objet d’offrir des perspectives sur ces représentations dans les littératures du XIXe au XXe siècle, afin de montrer à quel point l’identité masculine était soumise à des projections culturelles variables.

Nous souhaitons prolonger le questionnement vers les siècles antérieurs, plus particulièrement à un moment où les sexes et leurs attributions se sont redéfinis pour prendre une forme moderne dont nous héritons encore aujourd’hui.

L’objet de ce colloque sera donc « l’homme en tous genres » (pour reprendre le titre du livre dirigé par Gary Ferguson, L’homme en tous genres : Masculinités, textes et contextes, 2009) à travers les littératures de la Renaissance jusqu’aux Lumières. L’objectif est d’arpenter la sphère du masculin afin d’en proposer une cartographie : quelles en sont les frontières et les différentes contrées ? Qui fixe les bornes, qui les franchit, comment se meuvent-elles et en fonction de quels critères, quels sont les no man’s land du masculin ?

La Renaissance voit naître un vif débat sur les rôles des hommes et des femmes dans la société, la Querelle des femmes, sans améliorer pour autant le statut de ces dernières. Elle semble donc constituer un terminus a quo pour toute réflexion sur le genre. Au XVIIIe siècle apparaît l’homme sensible, théorisé en particulier par les écrits dramatiques de Diderot et par les réflexions, d’ordre davantage philosophique, de Rousseau, mais également par les écrits de Goethe, dont le Werther essaime dans toute l’Europe et constitue un modèle désormais incontournable pour les auteurs de fictions. Entre ces deux pôles, ce que l’on désigne comme l’homme apparaît souvent insaisissable.

Les qualités de l’homme idéal semblent pourtant bien connues : le courage, la virtus, est l’une des marques privilégiées de la virilité au point qu’une femme en armes est qualifiée de virago. Selon La Mesnardière (Poétique, 1639) les hommes « seront solides, rudes, hardis, généreux, chagrins, résolus, avares, prudens, ambitieux, tranquilles, fidelles et laborieux ». En contrepartie, l’auteur se moque des « Scipion affeté », « Alexandre muguet » et autres « Cyrus coquet, délicat, parfumé », tout comme Boileau qui conspue les héros « damerets » (Dialogue des héros de romans, 1688). Dans Artamène ou le Grand Cyrus (« Histoire de Sapho », 1649-1653), Madeleine de Scudéry propose une définition plus nuancée de l’idéal masculin : le brutal Charaxe n’a aucun attrait, alors que Phaon, « civil, doux & complaisant », remporte tous les suffrages. Du XVIe au XVIIIe siècle, les critères se déplacent : si, en 1677, il n’est pas permis à l’Hippolyte de Racine d’être un homme à moins d’être amoureux, trois quarts de siècle plus tard, Voltaire dénonce à son tour les « damerets » galants qui dévirilisent la scène (Correspondance, 31 décembre 1749). L’Emile de Rousseau fixe les bornes d’un domaine masculin qui a conquis la sensibilité, au moment où Diderot fonde, dans ses drames, une anthropologie de l’homme larmoyant et tendre ; le chemin est long, si l’on songe que La Mesnardière proscrivait l’usage des larmes pour Ulysse.

Le physique de l’homme idéal n’est pas plus évident : « Quelle grandeur rend l’homme vénérable ? / Quelle grosseur ? quel poil ? quelle couleur ? », demande Louise Labé (Sonnet XXI, Euvres, 1555), qui remarque ainsi que les blasons ne canonisent que la beauté féminine. Montaigne qui se dit « d’vne taille au dessous de la moienne » affirme que « Les autres beautez sont pour les femmes; la beauté de la taille est la seule beauté des hommes » (Essais, II, 17). Pourtant, ceci ne veut pas dire que les linéaments du physique idéal de l’homme ne sont pas tout aussi figés et contraints que ceux de la femme : la beauté masculine est-elle moins codifiée et moins uniforme que celle des femmes ?

Un certain nombre de personnages chez Shakespeare (Viola, Rosalind…), évoquent et transposent les troubles érotiques soulevés par l’androgynie ou l’ambiguïté sexuelle. Les histoires de travestissement sont souvent le lieu d’une interrogation sur ce qui constitue l’homme. Parmi ses nombreux récits à visée morale, Jean-Pierre Camus ne manque pas de condamner le travestissement d’un homme en femme, ou inversement : il juge que cet acte devrait être puni aussi sévèrement que les crimes d’un faux-monnayeur, car il y voit une même tromperie sur la nature de l’objet, sans toutefois renoncer à l’utiliser dans ses histoires. Chez l’Arioste, Bradamante se transforme en bourreau des cœurs féminins par le simple fait de revêtir une armure, et étonnamment, souvent, l’homme à femmes est l’homme efféminé (comme Égisthe, Pâris, etc.). Quant à l’histoire de Marie-Germain, elle véhicule une problématique de devenir-homme dans un contexte social restrictif. Peut-être même la période de la Renaissance aux Lumières est-elle plus propice aux nuances et aux ambiguïtés que d’autres et peut-elle contrecarrer les présupposés actuels postulant l’existence d’une crise du masculin, qui résulterait de la mise en question de son essence.

L’homme est multiple et se détermine sans cesse en contraste avec ce qui constitue l’Autre, dont les signes distinctifs sont tout aussi mouvants, si bien que le masculin semble finalement insaisissable dès que l’on délaisse le sexe pour le genre. Quel regard les Occidentaux portent-ils sur les hommes de l’ailleurs, en termes de virilité et de masculinité ? À partir de quel moment la brutalité et la barbarie de l’homme le déshumanisent-elles ? Par quels moyens accuse-t-on (voire invente-t-on) certains traits pour distinguer à tout prix les hommes des femmes ? Interroger le masculin, c’est se heurter à une notion presque toujours définie de manière négative, en contrepoint et par ses contre-modèles : le masculin est avant tout ce qui n’est pas marqué du sceau du féminin, ou ne devrait pas l’être. Alors que l’Autre, le féminin, reçoit une définition, celui qui, aux époques anciennes où domine l’écriture masculine, est le plus souvent le Même, ne semble pas appeler de description. Les figures frontalières sont, de ce fait, essentielles pour cerner le masculin : androgynes, mignons, muguets, damerets mais aussi viragos peuplent le discours critique, pour définir un repoussoir auquel devrait s’adosser le héros généreux et vaillant – mais celui-ci est bien rarement objet de réflexion en lui-même. Face à l’idéal masculin imposé par les ouvrages normatifs, qui d’ailleurs ne vont pas tous dans le même sens, quelle est la part de jeu dans les clichés ? À quel point les prenait-on au sérieux et avaient-ils un caractère prescriptif ? Quel sort est réservé à ceux qui transgressent les frontières du genre ?

L’incertitude et la transgression ne sont pas uniquement les caractéristiques d’une masculinité contemporaine. Au-delà des figures masculines, le questionnement pourrait se diriger vers le désir au masculin et du masculin, en interrogeant les liens entre les hommes : filiaux et paternels, fraternels, amicaux, sexuels, dans le contexte social et leur transposition et expression dans les littératures européennes. Les outils analytiques des gender studies et des queer studies proposent des lectures du masculin au croisement de l’identification et du rejet. Notion fluide, le masculin se représente sous divers masques – l’écrivain, l’acteur, le personnage, le penseur, le compagnon de la femme et celui qui s’en démarque, de multiples manières. C’est à déconstruire ce jeu de masques que nous invitons les participants à ce colloque afin de comprendre comment le masculin peut se saisir pour établir une cartographie évolutive et diachronique des rapports entre homme et femme.

Des propositions de communication sur tout type de littérature et de discours sont les bienvenues (discours normatifs et transgressifs, fictions, traités médicaux, représentations dramaturgiques de l’homme …). Elles devront comporter un titre et ne pas excéder une demi-page. Elles seront à envoyer à l’adresse colloquemasculinparis2015@gmail.com, jusqu’au 10 juin 2014. Le colloque, organisé au sein du CRLC (Centre de Recherche en Littérature Comparée, http://www.crlc.paris-sorbonne.fr/) et de l’association Cornucopia (http://www.cornucopia16.com/), aura lieu à Paris les 5 et 6 juin 2015.

Appel rédigé par Anne Debrosse, Marie Saint Martin, Aurélia Tamburini, avec la collaboration d’Ivana Velimirac.