Au-delà des frontières disciplinaires Pratiques des sciences sociales historiques en France et en Allemagne

  • End date:
    07/05/2018, 00:00

Les relations entre histoire et sciences sociales se sont parfois limitées en France et en Allemagne à des portraits caricaturaux, dessinés par chaque discipline pour mieux légitimer sa propre démarche. Plutôt que de s’enfermer dans des reproches parfois justifiés ou des oppositions classiques mais répétées ad nauseam (sciences nomothétiques vs. sciences idiographiques ; synchronie vs. diachronie, continuité vs. rupture, individu vs. structure etc.), nous souhaitons lors de ce Junges Forum interroger à nouveaux frais la possibilité et les conditions d’un dialogue fructueux entre sciences sociales et histoire en France et en Allemagne, à la suite d’une riche filiation faite de coopérations et de conflits.

Le renouveau contemporain des approches historiques en sociologie (la sociologie historique ou la macrosociologie américaine), et sociologiques en histoire (l’histoire comparée, l’histoire croisée ou la socio-histoire), indiquent en effet un regain d’intérêt pour les tentatives unitaires, quoique plurielles, de pratiquer les sciences humaines et sociales. Parfois éloignées, ces conceptions partagent pourtant l’ambition de dialogues interdisciplinaires approfondis, loin des superficielles injonctions contemporaines à l’interdisciplinarité.

Il nous semble alors important de nous questionner sur les problèmes concrets que posent la théorisation et la pratique des sciences sociales historiques pour de jeunes chercheurs et chercheuses souvent sommé.e.s de choisir un camp disciplinaire. Que veut alors dire faire de l’histoire en tant que sociologue ou de la sociologie en tant qu’historien.ne en France et en Allemagne, que l’on traite de questions politiques, sociales ou encore culturelles ? Pour mener à bien cette réflexion, nous proposons aux participant.e.s trois axes de recherche.

Axe 1 – Théorie et concepts

Le premier axe est consacré à la manière dont les chercheurs mobilisent les disciplines historique et sociologique dans leur réflexion théorique et conceptuelle. Il s’agira ainsi de voir d’un côté comment les sociologues procèdent à l’historicisation de leurs concepts et, de l’autre, comment les historiens utilisent dans leurs recherches les outils théoriques de la sociologie afin de déconstruire les entités collectives et rendre compte des différentes formes des liens sociaux.

De quelle manière les chercheurs en histoire et en sociologie puisent-ils dans les ressources théoriques de la discipline voisine ? Quelles difficultés rencontrent-ils dans cette démarche ? Comment les surmontent-ils ? De quelle manière ces ressources conceptuelles permettent-elles aux chercheurs de concilier au sein de leur problématique approches sociologique et historique ? Enfin, comment articuler cette réflexion théorique et sa mise en pratique empirique ?

Axe 2 – Sources et terrains

Il n’est pas nouveau que des sociologues et politistes se plongent dans les archives et traitent des siècles passés. De même, il est désormais courant que des historien.ne.s travaillent sur un passé très récent et mènent des entretiens avec des témoins. Au-delà des appels à s’intéresser aux matériaux et productions historiques, que peuvent apprendre les sociologues des réflexions nombreuses des historien.ne.s sur la mobilisation et l’utilisation des archives, tout en les articulant à une conceptualisation plus importante ? Comment les méthodes de l’entretien sociologique peuvent aider à pratiquer une Oral History sociologiquement problématisée ?

La question des sources amène celle des terrains : existe-t-il des terrains spécifiquement historiques, sociologiques, ethnologiques (ou d’une quelconque autre science sociale) ? Comment définit-on, dans sa pratique de la recherche, un terrain historique ou sociologique ? Ce second axe offrira ainsi l’occasion de se questionner sur les apports d’approches combinées, par exemple pour mener une comparaison entre deux objets (géographiques : pays, régions, villes ; sociaux : professions, groupes, catégories ; etc.), de manière synchronique ou diachronique.

Axe 3 – Comparaison, histoire croisée, transferts et leurs critiques

L’histoire comparée a été soumise depuis les trois dernières décennies à de nombreuses critiques, qui ont conduit à l’émergence des courants des transferts culturels et de l’histoire croisée et ce, alors même que la pratique systématique de la comparaison – malgré les appels anciens de Marc Bloch (1928) – est moins répandue en histoire qu’en sociologie, voire en science politique. Plus récemment, des tentatives ont été faites pour réhabiliter l’histoire comparée, en prenant en compte de manière fructueuse les critiques qui lui ont été adressées et en considérant qu’il est possible de pratiquer la comparaison tout en étant attentif aux transferts et croisements.

À une échelle encore plus générale, les approches en termes d’histoire globale (Global History), mondiale (World History), transnationale ou connectée ; « à parts égales » ou alors rejetant toutes les précédentes, afin de pouvoir s’intéresser tant aux circulations qu’aux fermetures et aux échecs posent de nouvelles questions aux échanges entre disciplines des sciences sociales, la première d’entre elle étant les conditions de possibilité de mener empiriquement et théoriquement de telles enquêtes.

Il s’agira au sein de ce troisième axe de faire un bilan des réflexions communes ou séparées des différentes disciplines historiques et des sciences sociales quant à la valeur heuristique et aux problématiques liées à ces approches. Surtout, il serait souhaitable de pouvoir confronter les façons diverses de les mobiliser dans la recherche empirique. Ainsi, de quelle manière la mobilisation de concepts sociologiques peut aider à bâtir une problématisation en histoire comparée ? Comment les échanges interdisciplinaires peuvent eux aussi contribuer concrètement à une pratique renouvelée de la comparaison, de l’histoire croisée et/ou des transferts culturels ?

Conditions et modalités de participation

Cette manifestation s’adresse à tou.te.s les jeunes chercheurs.euses en sciences historiques et sociales, sans condition de nationalité, travaillant dans une perspective faisant dialoguer différentes disciplines.

Les propositions de communication devront être envoyées le lundi 7 mai 2018 au plus tard, à l’adresse jesociologiehistoire2018@gmail.com. Elles ne devront pas excéder 500 mots et elles pourront être rédigées en français ou en allemand. Elles devront être basées sur une ou des expériences concrètes de recherche empirique. Les candidat.e.s devront mentionner l’axe au sein duquel leur communication serait intégrée. Ils/elles devront joindre un CV avec mention des compétences linguistiques à la proposition de communication. Le comité d’organisation répondra le lundi 21 mai 2018 au plus tard.

Les langues de travail lors de cette manifestation seront le français et l’allemand.

L’hébergement des participant.e.s sera pris entièrement en charge, ainsi que les frais de déplacement.

Organisateur-rice(s)

  • Antonin Dubois (EHESS/Universität Heidelberg)
  • Quentin Fondu (EHESS/Universität Bielefeld)
  • Felix Schilk (TU Dresden)
  • Claire Tomasella (EHESS/Centre Marc Bloch)

Comité scientifique

  • Andrea Kretschmann (Centre Marc Bloch)
  • Guillaume Mouralis (CNRS/Centre Marc Bloch)
  • Gérard Noiriel (EHESS)
  • Gisèle Sapiro (CNRS/EHESS)
  • Dominik Schrage (TU Dresden)
  • Elsa Tulmets (Centre Marc Bloch)

Partenaires

Centre Marc Bloch, Collège doctoral franco-allemand « Construire les différences : structure – ordre social – communication », École des hautes études en sciences sociales, Universität Bielefeld, Universität Heidelberg, Technische Universität Dresden.