« Copia, théories et pratiques » Séminaire de recherches, premier semestre 2021 – Sorbonne Université Appel à communications
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Start date:03/12/2020, 09:35
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End date:10/01/2021, 00:00
« Copia, théories et pratiques »
Séminaire de recherches, premier semestre 2021 – Sorbonne Université Appel à communications
Plus de quarante ans après la publication de The Cornucopian Text[i], l’importance de la notion rhétorique de copia pour la compréhension des enjeux et des pratiques textuelles renaissantes ne fait plus débat ; perçue pour une part comme une « méthode » d’amplification du texte[ii], pour une autre comme la justification presque éthique d’une écriture qui fait proliférer les « lieux »[iii], cette copia d’influence érasmienne forme un véritable paradigme où s’inscrivent tant les « figures » de l’abondance que ses manifestations stylistiques.
Le séminaire a pour ambition de prolonger et de renouveler la réflexion, amorcée par T. Cave à la fin des années 1970, sur les théories, l’influence et les pratiques, dans les textes de la première modernité, de cette notion que l’on traduit souvent par « rhétorique de l’abondance ».
Sur plusieurs points, en effet, l’ouvrage fondamental de T. Cave invite à développer et actualiser la réflexion. T. Cave s’intéresse avant tout aux « figures » de l’abondance ; son analyse adopte le prisme d’une méta-textualité qui fait la part belle aux représentations, mais qui oblitère d’une part ce qui, dans la copia, n’est pas l’abondance, et d’autre part les applications concrètes de la rhétorique copieuse. De leur côté, exploitant à leur tour l’image de la cornucopia, les études les plus récentes intègrent la copia rhétorique dans une réflexion plus large sur l’amplification[iv], à travers les notions de clarté et d’emphase notamment. Il reste cependant à proposer des pistes pour une étude rhétorique et stylistique des procédés copieux dans leur ensemble.
Par ailleurs, la copia n’est pas entièrement soluble dans l’amplification : c’est en tout cas ce que suggère Érasme dans le De duplici copia verborum ac rerum commentarii duo[v], comme le révélaient déjà les analyses de J. Chomarat[vi]. Or cet aspect de la notion reste encore à explorer[vii], puisque J. Chomarat n’en propose pas d’exemplification ailleurs que chez Érasme. Nous proposons donc d’apporter collectivement de nouvelles réponses aux questions soulevées par les travaux de T. Cave et J. Chomarat : après les « figures » de la copia, intéressons-nous à ses théories et à ses pratiques.
Le séminaire se donne ainsi pour objectif de dresser un état des lieux des travaux actuels sur les rhétoriques copieuses, et d’offrir un espace de discussion pour explorer plus avant les ramifications et les mises en œuvre concrètes de cette notion : qu’est-ce que la copia, comment estelle pensée par les auteurs du temps, théoriciens ou praticiens, et surtout, quelles en sont les applications dans les textes ? Cette réflexion collective permettrait, à terme, de renouveler les approches critiques et stylistiques de la rhétorique copieuse, et de préciser les modalités de son influence sur les écrits renaissants.
Ces perspectives offrent sa matière au séminaire : le sujet concerne ainsi tant des écrits de grammairiens, des traités de rhétorique, des ouvrages pédagogiques (pour le volet théorique) que des textes littéraires, en vers comme en prose, en français comme en néo-latin. On interrogera ces textes en particulier selon les axes suivants :
- Épistémologie de la copia :
On interrogera l’essence de la copia, à travers une série –non exhaustive– de questions posées aux arts poétiques ou aux traités de rhétorique : que pense le XVIe siècle de la rhétorique de l’abondance, et de la prolifération textuelle ? Copia et abondance sont-ils de faux synonymes, et déjà perçus comme tels par les auteurs du temps ? Se pose également la question de la périodisation de la notion, et notamment celle de ses bornes finales : l’institution de la copia comme contre-modèle littéraire au XVIIe siècle peut assurément nourrir les perspectives d’étude.
- La copia comme stratégie argumentative et pédagogique :
Au niveau des pratiques textuelles, il importe d’interroger les fonctions et l’efficacité de la copia : comme l’ont montré les travaux sur les liens entre amplification et obscurité[viii], la prolifération textuelle peut être perçue comme un outil d’argumentation ou de pédagogie. On s’intéressera ici aux traités de rhétorique (Érasme, mais aussi Fouquelin, Ramus) ou de poétique (Scaliger), ainsi qu’à son inscription dans les méthodes pédagogiques (par exemple avec Dorat, mais également en revenant à la dimension pédagogique du De Copia).
- Les moyens stylistiques :
On envisagera ici les applications concrètes de la rhétorique copieuse dans les textes renaissants. Dans la lignée de l’ouvrage de T. Cave, qui étudie successivement l’abondance chez Rabelais, Ronsard et Montaigne, les analyses proposées peuvent porter aussi bien sur des textes en prose que des textes poétiques, en français ou en néo-latin. On privilégiera ici les approches rhétoriques et stylistiques, à deux fins : donner un panorama aussi complet que possible des modalités textuelles de l’amplification (aux niveaux syntaxique, lexicologique, figural…), et mobiliser la copiacomme paradigme d’écriture est un prisme opératoire pour l’analyse des textes.
- Les stratégies de différenciation des auteurs :
La rhétorique copieuse est indissociable de la question de l’imitation : c’est à partir d’un thesaurus de mots et de choses longuement mûri que les auteurs trouvent matière à développer leurs textes. Cela implique un rapport particulier aux sources et aux modèles, qu’ils soient antiques ou contemporains : dès lors, on peut supposer que l’incorporation de cette matière première (de ce « lieu » plus ou moins commun) laisse des traces, et qu’en observant ce qu’il advient de la source dans le texte final, on peut accéder à la fabrique même du discours copieux. C’est pourquoi l’on propose ici des perspectives comparatistes, intégrant des travaux sur la traduction ou l’imitation.
Les propositions de contributions sont à communiquer au plus tard le 10 janvier 2021.
Contact : Emma Fayard – emma.fayard@mailo.com – 06.50.84.12.47
[i] T. Cave, The Cornucopian Text : Problems of Writing in the French Renaissance, Oxford University Press, 1979 ; paru en français sous le titre Cornucopia. Figures de l’abondance au XVIe siècle : Érasme, Rabelais, Ronsard, Montaigne, trad. fr. G. Morel, Paris, Macula, 1997.
[ii] Voir p. ex. J. Lecointe, L’Idéal et la différence. La perception de la personnalité littéraire à la Renaissance, Genève, Droz, 1993.
[iii] Voir F. Goyet, Le Sublime du « lieu commun ». L’invention rhétorique dans l’Antiquité et à la Renaissance, Paris, Champion, 1996, ou A. Moss, Les Recueils de lieux communs. Apprendre à penser à la Renaissance, Genève, Droz, 2002.
[iv] Voir par exemple S. Macé, « L’obscurité et les théories rhétoriques de l’amplification », in L’Obscurité. Langage et herméneutique sous l’Ancien Régime, éd. D. Denis (dir.), Louvain-la-Neuve, Academia Bruylant, 2007, p. 55-67, ou encore l’alternative révélatrice proposée par le titre de L’Emphase : copia ou brevitas ? (XVIe-XVIIe siècles), éd. M. Levesque et O. Pedeflous, Paris, PUPS, 2010.
[v] Érasme, De duplici copia verborum ac rerum commentarii duo, éd. B. I. Knott, Opera omnia, Amsterdam, ASD, t. I/6, 1988.
[vi] J. Chomarat, Grammaire et rhétorique chez Érasme, Paris, Les Belles Lettres, 1981, notamment le vol. 2.
[vii] Plus qu’à la copia, c’est à l’emphase que se sont intéressées certaines études récentes, exploitant ainsi les pistes ouvertes par J. Chomarat : voir notamment L’Emphase : copia ou brevitas ?, op. cit.
[viii] Notamment les travaux de S. Macé, cités supra.