Dérives guerrières au Moyen Âge et au XVIe siècle (La Manouba, Tunis)
Dérives guerrières au Moyen Âge et au XVIe siècle
Colloque international organisé par le Laboratoire de recherche « Analyse Textuelle, Traduction, Communication » (ATTC)
de la Faculté des Lettres des Arts et des Humanités de la Manouba (Tunis)
Les 1er et 2 décembre 2023
Dans le prolongement des manifestations scientifiques du groupe d’étude sur le Moyen Âge et le XVIe siècle du laboratoire de recherche « Analyse Textuelle, Traduction, Communication », ce colloque international propose d’étudier dans une perspective multidisciplinaire la manière dont la littérature, l’histoire et les arts ont, de l’époque médiévale à nos jours, traité des dérives guerrières du Moyen Âge et du XVIe siècle.
Cette période de l’histoire (Moyen Âge, XVIe siècle) a été marquée par de multiples et sanglants conflits, dont la mémoire a été relayée oralement ou transcrite sur le vif puis perpétuée au fil des époques et les divers modes de transmission.
Appliquées à la guerre, les dérives sont à entendre dans le sens d’excès, de déviations et/ou d’exactions. La quatrième croisade, dirigée contre les chrétiens d’Orient vers Constantinople, est l’exemple le plus flagrant du premier emploi et le massacre de la Saint Barthélémy l’est sans doute du second. Des faits marginaux ont pu marquer les esprits autant que des événements majeurs : toutes les chroniques de la première croisade ont retenu les scènes d’anthropophagie joyeuse des Tafurs ou celles du terrible massacre des Turcs de Jérusalem à la conquête de la Ville sainte en 1099.
Rhétoriquement, on passe de l’hyperbole – excessive mais vraisemblable – à l’adynaton, figure de l’invraisemblable reconnaissable comme tel dès le premier abord. Ce sont les conditions de ce passage, qui n’est pas que rhétorique, qu’il convient d’interroger. Il s’agit de figures macrostructurales s’érigeant quasiment en figures de pensée. L’adynaton est ici figure autrement plus productive que l’hyperbole, elle rend compte de la manière dont l’imaginaire se saisit du factuel, de l’histoire, le remodèle. Il existe une grammaire de l’imaginaire relatif au fait belliqueux qui demande à être transcrite.
La mémoire collective en a gardé les meurtrissures – du vaincu – ou les gloires – du vainqueur – peintes par des auteurs soucieux de les couler dans les moules scripturaux ou artistiques les mieux susceptibles d’engager leur destinataire dans les visées informatives et idéologiques escomptées.
Des considérations lexicales peuvent constituer le point de départ d’une réflexion sur les modalités d’expression des dérives contribuant au processus de fictionnalisation de la guerre par leur caractère inédit ou spectaculaire. L’examen des différents types de discours rendant compte de tous les types d’écarts ou de bavures (historiographie, genres fictionnels, récits moraux, miniatures, peinture, etc.) peut contribuer à éclairer les questionnements éthique, stylistique et esthétique relatifs à la représentation de la guerre.
La question suscite également des interrogations d’ordre civilisationnel touchant aux répercussions politiques, sociales ou personnelles de ces dérives : par exemple sur le statut du chevalier tenu d’agir au service de Dieu et des pauperes comme le stipulent le serment prêté lors de son adoubement et la recommandation du célébrant, empruntée à Saint Augustin, Sis miles pacificus (« Sois un chevalier pacifique ») ; ou sur le statut du clerc, imprégné par la même théologie de la guerre chrétienne ne permettant que la « guerre juste » et excluant toute forme de violence. Dès la Chanson de Roland, pourtant, cette éthique de modération cède la place à un devoir de violence, légitimé par un manichéisme opposant le Bien au Mal et faisant dire à Bernard de Clairvaux, au milieu du XIIe siècle, que la mort d’un infidèle ne s’apparente pas à un homicidium mais à un malicidium. Philosophiquement, il devient évident que le Kalos grec, fait de la fusion du beau et du bien, ne rend plus compte de la pensée occidentale, encore moins du vécu, supplanté qu’il est par un manichéisme belliqueux, un des préalables essentiels de la guerre dont le Sarrasin est, en l’occurrence, l’incarnation.
Anéantir le mal identifié au Sarrasin crée dans les gestes une relation particulière entre un auteur qui se plaît à décrire des scènes cruelles en les amplifiant et un public qui s’en délecte. Il sera donc aussi question d’interroger l’ethos de l’auteur, appartenant au camp des vainqueurs ou des vaincus, témoin ou translateur, créateur enjoué ou austère en rapport avec les conditions de réception et l’horizon d’attente du public auquel il s’adresse directement.
Multipliant les références aux guerres du Moyen Âge et du XVIe siècles, les chroniques ou anecdotes historiques des salons des XVIIe et XVIIIe siècles, les romans historiques de Madame de Lafayette ou d’Alexandre Dumas, les grandes sagas romanesques fantastiques ou parodiques contemporaines souvent portées à l’écran, ont réécrit les dérives guerrières d’antan, prouvant certes la permanence de la nature et de la condition humaine, mais réactualisant surtout des situations polémiques qui sont davantage sources de réflexions actuelles et prospectives que de jugements des faits passés. Ce colloque essaiera également de comprendre comment la mise en intrigue – la complexification et la scénarisation fictionnelle – des dérives guerrières participe à la façon dont le Moyen Âge et le XVIe siècle sont perçus aux époques qui ont suivi.
Axes proposés
– Les dérives de la guerre : déviation et dépassement, de la chronique aux fictions.
– La mise en intrigue : exploration et reconstruction.
– Proximité et écart par rapport à la réalité historique : mises en situation concordantes ou contradictoires de l’événement.
– Du sublime au sordide : la question du point de vue.
– Etude stylistique des figures de l’exagération dans le contexte belliqueux.
– Portées esthétique et éthique des remplois des dérives guerrières : le rôle de la fictionnalisation selon l’époque.
Envoi des propositions
La proposition de communication ainsi qu’une brève notice bio-bibliographique devront parvenir conjointement aux deux adresses suivantes avant le 15 mai 2023 : Jouda.Sellami@flah.uma.tn et attc.manouba@yahoo.com
Une réponse sera envoyée après délibération du comité scientifique avant le 30 juin 2023.
Les actes du colloque seront publiés.
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Comité scientifique
Jalel El Gharbi (Univeristé de la Manouba)
Michèle Guéret-Laferté (Université de Rouen)
Olivier Guerrier (Université de Toulouse)
Sophie Houdard (Université de Paris III-Sorbonne Nouvelle)
Samir Marzouki (Université de la Manouba)
Laurence Mathey-Maille (Université Le Havre-Normandie)
Hela Ouardi (Université de la Manouba)
Emmanuelle Poulain-Gautret (Université de Lille)
Jouda Sellami (Université de la Manouba)
Farah Zaïem (Université de la Manouba)
Comité d’organisation
Jouda Sellami, Tasnime Ayed, Inès Ben Zayed, Ahlem Ghayaza, Hajer Lahmar, Sabry Néji, Monia Kaabi.
Informations pratiques
Le colloque se tiendra à la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba (Tunis).
Les frais de participation seront de 50 euros, ou leur équivalent en dinars tunisiens.
Les frais de transport et d’hébergement seront à la charge des participants.