Figures et personnages de criminelles, des histoires tragiques au roman policier

Colloque international organisé par l’Université de Rouen et le CÉRÉdI, avec le soutien de la SIEFAR

7-8-9 juin 2017

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COMITE D’ORGANISATION  Ariane FERRY et Sandra PROVINI
COMITE SCIENTIFIQUE  Jean-Claude ARNOULD (Université de Rouen), Isabelle Rachel CASTA (Université d’Artois), Frédéric CHAUVAUD (Université de Poitiers), Maria Pia DE PAULIS-DALEMBERT (Université Sorbonne Nouvelle, Paris III), Christine FERLAMPIN-ACHER (Université de Rennes II), Raphaëlle GUIDEE (Université de Poitiers), Dominique KALIFA (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Véronique LÉONARD-ROQUES (Université Blaise Pascal, ClermontFerrand), Marc LITS (Université de Louvain), Witold Konstanty PIETRZAK (Université de Lodz, Pologne).
APPEL A COMMUNICATION

Les recherches sur la violence des femmes, et particulièrement sur la criminalité féminine constituent un champ en plein essor au croisement des études de genre et des études de criminologie. En France, il a été ouvert notamment par des historiens comme, Michelle Perrot, Cécile Dauphin et Arlette Farge, qui ont dirigé un collectif pionnier paru en 1997, De la violence et des femmes, ou encore Frédéric Chauveau, des spécialistes du droit pénal ou de sciences criminelles comme Robert Corio, des sociologues comme Caroline Cardi et Geneviève Pruvost dont l’ouvrage collectif Penser la violence des femmes (2012) embrasse un large champ – du sport, de la police et de l’armée aux représentations littéraires et cinématographiques –, pour dénaturaliser, contextualiser et historiciser la violence des femmes7. C’est dans le contexte scientifique de la réévaluation par les sciences humaines de la violence féminine, longtemps minimisée ou euphémisée (tribunaux) et faisant l’objet de discours spécifiques (moraux, religieux, médicaux…) que nous voudrions envisager les représentations de la criminalité féminine dans deux types de récits fictionnels qui ont largement puisé dans le fait divers : l’histoire tragique (XVIe-XVIIe) et le roman policier (XIXe-XXIe), genre qui met en scène de plus en plus de femmes impliquées dans des processus violents non plus comme victimes, mais comme actrices, que cette violence soit le fait de personnages de criminelles ou de personnages de policières et enquêtrices.

Si le champ de la figuration des femmes criminelles a été abordé par des criminologues, historiens et historiens de l’art, le champ de la littérature a été assez peu interrogé de manière générique et selon des problématiques littéraires. Raphaëlle Guidée attribue ce point aveugle à l’universalisme de la théorie littéraire française qui répugne à penser comme spécifiques les représentations du féminin10. Signalons toutefois que des travaux ont été conduits sur les figures mythiques comme Médée, les Amazones, Judith, etc., sur l’imaginaire du crime féminin dans la culture populaire contemporaine (colloque CriminELLES organisé en avril 2015 à l’université de HauteAlsace) ou selon une approche genrée de l’écriture narrative (voir Rebelles et criminelles chez les écrivaines d’expression française, publié en 2013 par Frédérique Chevillot et Colette Trout)

« La violence féminine se présente sous le mode d’une présence/absence. Hypertrophiée, ultravisible, elle n’en est pas moins occultée, voire déniée »11, écrivent Coline Cardi et Geneviève Pruvost. Nous souhaitons précisément nous interroger sur la mise en récit de la violence féminine, dans les histoires tragiques et le roman policier, pour éclairer la manière dont est imaginée, figurée et analysée cette violence. Le meurtre perpétré par une femme transgresse les normes de la féminité et trouble non seulement les attendus culturels sur le comportement féminin (douceur, care, etc.) mais aussi sur l’identité féminine elle-même. La femme qui tue bouleverse la binarité du masculin et du féminin, d’où la réticence à la représenter comme une femme ordinaire : les mises en récit tendent bien souvent à faire des femmes criminelles des monstres, sortant du cadre du genre féminin, voire de l’humanité, via l’identification à des figures mythiques monstrueuses ou à des stéréotypes comme la sorcière ou la folle. Face à une telle hypertrophie, le récit peut tenter au contraire d’atténuer, d’effacer le scandale que constitue la violence du sexe faible, de construire la détermination de l’acte criminel pour en fournir une justification ou un explication pathologique ou déresponsabilisante (traumatisme, manipulation, réparation d’une violence d’abord subie…) permettant de conserver l’idéal féminin. Mais contre cette double tendance d’une « criminalité naturalisée/sexualisée et individualisée/psychologisée »13, certaines mises en récit font le choix – parfois militant – de mettre en perspective le crime féminin dans un cadre social, historique et politique.  Pour étudier les enjeux complexes des représentations de femmes criminelles dans les récits littéraires et la spécificité de ces derniers par rapport à d’autres formes de récit (médiatique, juridique…), nous proposons plusieurs approches complémentaires :

Approche narratologique :

* Quelles contraintes la représentation de la violence féminine impose-t-elle au récit littéraire ? Quelles conséquences a-t-elle sur les genres étudiés ?

*Approches comparatistes de la narration dans les deux genres :

* Présence d’un discours-cadre, rapport au fait divers (exhibé/masqué), choix du point de vue narratif, représentation des meurtres, exposé des mobiles.   La narration vs l’enquête : postures du narrateur ? Situations du lecteur ?   Formes « intermédiaires » : quelles narrations du crime féminin entre les histoires tragiques et le roman policier – réécritures (Stendhal, Chroniques italiennes), nouvelles… –, ou dans les genres qui s’inspirent de ce dernier et jouent avec ses codes (romans d’enquête autour de femmes terroristes, de criminelles de guerre) ?

Approche typologique :

* Fréquence et caractérisation des personnages de criminelles dans les histoires tragiques, dans le roman policier. Différenciation chronologique : on observe une présence croissante des femmes criminelles dans le polar contemporain, en même temps que les autrices prennent une plus grande part dans ce genre.

*Typologie et spécificité des crimes « féminins » ? Victimes, modes opératoires, espace privé ou espace public ? Le retournement meurtrier des « activités féminines » : soins maternels/infanticides ; cuisine/découpage, poison ; amour/agression… Le meurtre féminin comme réaction à une agression.

* Les archétypes de la criminelle dans leur rapport aux figures de meurtrières devenues mythiques (Médée, Salomé, Déjanire, Clytemnestre, Judith, Athalie, mais aussi La Brinvilliers, etc.) : références explicites et réécritures.

Enjeux idéologiques :

* Articulation entre discours théoriques sur la femme et productions littéraires : le positionnement des histoires tragiques par rapport à la querelle des femmes ; les fictions policières et leur rapport aux sciences humaines (psychiatrie, psychanalyse, histoire, sciences criminelles, etc.)

* Mise en forme / Mise en question des discours idéologiques : le discours moral dans l’histoire tragique (le cas des énoncés gnomiques, des exempla) ; quels discours sur le crime féminin dans les romans policiers ?

* Quel schéma de causalité (biologique, psychologique, déresponsabilisant, exceptionnalisant) le récit construit-il ? Justification/stigmatisation de la violence féminine.

* Influence du féminisme dans les représentations des femmes criminelles, et plus largement des femmes violentes (violence institutionnalisée) ?

Aires culturelles et linguistiques : Europe principalement, mais ouvertures possibles à des littératures d’autres continents.

Approche interdisciplinaire : littérature, mythocritique, arts de la scène et de l’écran, histoire culturelle, histoire des femmes, histoire de la justice, psychologie, gender studies.
INFORMATIONS PRATIQUES

Les propositions (un titre et un texte de 1000 à 2000 signes) sont à retourner, en fichier Word, avant le 30 septembre 2016 à Ariane Ferry et Sandra Provini, accompagnées d’une brève bio-bibliographie. Ariane Ferry : ariane.ferry@univ-rouen.fr Sandra Provini : sandra.provini@univ-rouen.fr

PISTES DE LECTURES

Pollie Bromilow, Models of Women in Sixteenth-Century French Literature, 2007.
Coline Cardi et Geneviève Pruvost, « La violence des femmes : un champ de recherche en plein essor », Champ pénal/Penal field [En ligne], Vol. VIII | 2011, mis en ligne le 11 juin 2011, consulté le 08 février 2016. URL : http://champpenal.revues.org/8102
Coline Cardi et Geneviève Pruvost, « La violence des femmes : occultations et mises en récit », Champ pénal/Penal field [En ligne], Vol. VIII | 2011, mis en ligne le 11 juin 2011, consulté le 08 février 2016. URL : http://champpenal.revues.org/8039 Isabelle Casta, « Le Polar au féminin », Pleins feux sur le polar, Klincksieck, 2012.
Sandra Clark, Women and Crime in the Street Literature of Early Modern England, 2003. De la violence et des femmes, Cécile Dauphin et Arlette Farge (dir.), Paris, Albin Michel, 1997.
Femmes criminelles et crimes de femmes en Espagne (XIXe et XXe siècles), Hispania, n° 14, dir. Solanges Hibbs, 2011.
Figures de femmes criminelles de l’Antiquité à nos jours, Actes du colloque organisé par l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 7 et 8 mars 2008, Loïc Cadiet, Frédéric Chauvaud, Claude Gauvard, Pauline Schmitt Pantel et Myriam Tsikounas (dir.), Paris, Publications de la Sorbonne, 2010.
Françoise Héritier, « De la violence et des femmes. Invariance, permanence et instabilité », Masculin/Féminin II. Dissoudre la hiérarchie, Paris, Odile Jacob, 2002, p. 7397.
Marylin Maxwell, Male Rage, Female Fury. Gender and Violence in Contemporary American Fiction, 2000.
Penser la violence des femmes, Coline Cardi et Geneviève Pruvost (dir.), Paris, La Découverte, 2012.
Rebelles et criminelles chez les écrivaines d’expression française, Frédérique Chevillot et Colette Trout (dir.), Leiden, Brill, 2013.
Les Reines du crime : le noir leur va si bien, Alibi, n° 5, hiver 2012.
Ann-Louise Shapiro, Breaking the Codes : Female Criminality in Fin-de-Siècle Paris, Stanford University Press, 1996.
Les Vénéneuses : figures d’empoisonneuses de l’Antiquité à nos jours, Lydie Bodiou, Frédéric Chauvaud et Myriam Soria (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.