La Renaissance des origines

  • Start date:
    20/04/2017, 09:31
  • End date:
    01/06/2017, 09:31

La Renaissance des origines

The Renaissance of Origins

Commencement, genèse et création dans l’art des XVe et XVIe siècles

Beginnings, Genesis and Creation in the Art of the VXth and XVIth Centuries

RÉSUMÉ

Ce colloque souhaite interroger, dans toute sa complexité mais toujours en lien direct avec une approche et une réflexion sur les œuvres d’art, la question des origines et des vicissitudes de son interprétation figurative à la Renaissance. Quelles sont les conditions d’émergence et d’existence d’un discours figuré sur les origines ? Y-a-t-il des thèmes, motifs ou figures qui invitent plus spécifiquement à une telle mise en scène ? Quelles sont les fins de la convocation de ces figures de l’origine ? Plutôt que de proposer un exposé général, on souhaite que la somme des interventions mette en évidence un réseau dont les différentes orientations et ramifications, à l’endroit même de leurs intersections multiples, révèlent une tendance commune de l’art de la Renaissance, à savoir la méditation sur les potentialités poétiques des origines à même d’incarner une idéologie du temps nouveau.

ANNONCE

Colloque international, organisé par l’Université de Tel Aviv et Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne les 14, 15 et 16 mai 2018 (Tel Aviv) puis les 28, 29 et 30 mai 2018 (Paris).

Argumentaire

Dans l’histoire de la pensée occidentale, il n’est sans doute aucune autre grande question qui ait autant fasciné et suscité d’infinies spéculations que celle des origines, origines des choses, des individus et plus encore du monde. L’idée qu’il serait possible de révéler et de mettre en lumière par les voies du savoir ce qu’il advint au commencement et de reconstituer la chaîne ininterrompue des événements reliant le présent à un passé immémorial s’illustre par une remarquable constance qui tend à faire de la question des origines ce que l’anthropologie, après Claude Levi-Strauss, nomme un « invariant structurel ».

L’ambition déclarée par certains individus de faire se lever le voile qui recouvre le mystère des origines de l’univers n’a rien perdu en effet de sa vigueur dans le monde contemporain. Les astronomes en particulier ne sont pas avares de nos jours en déclarations annonçant l’imminence de la révélation d’un secret qui a jusque-là échappé à la connaissance humaine. Ils sont pourtant loin d’être les premiers à s’essayer à un tel exercice de la pensée. La question des origines – et c’est là sa grande particularité – se situe à la frontière de la science et du mythe, de la raison et de l’imagination. C’est cela qui explique, ainsi que le rappelle Michel Cazenave, que « la connaissance objective du monde phénoménal apparaît souvent aujourd’hui comme l’endroit d’une image que les expériences visionnaires du mythe et de la mystique ont exploré à l’envers et en creux ».

Dans l’histoire occidentale, la première modernité – plus communément nommée la Renaissance –, entendue en ses limites chronologiques étendues – de la fin du XIVe siècle au début du XVIIe siècle –, est la période où l’intérêt pour les origines s’est le plus singulièrement manifesté et affirmé dans les multiples champs du savoir.

Dans le domaine des arts visuels et de la littérature, les trois dernières décennies ont vu la parution de travaux décisifs qui ont abordé en partie la question des origines mettant en évidence son importance à la Renaissance. Les XVe et XVIe siècles voit ainsi refleurir les grands décors inspirés du récit biblique de la création du monde et nombre d’images inspirées des cosmogonies païennes d’Hésiode, d’Ovide, du Pimandre attribué à Hermès Trismégiste ou de Boccace, mais également des représentations liées aux origines de l’humanité ou à ces humanités originelles que les individus découvrent notamment dans la figure de l’ « homme sauvage ». On s’emploie à figurer les différentes manifestations des cycles du temps et des interactions des éléments qui reflètent la vie du cosmos, ainsi que le travail de génération de la nature dans les grottes artificielles et les jardins du XVIe siècle.

Michel Jeanneret (Perpetuum mobile. Métamorphoses des corps et des oeuvres de Vinci à Montaigne, 1997) a élargi cette perspective en s’intéressant à des œuvres qui mettent en scène cette méditation sur le « charme des débuts, », sur « le mystère de la naissance », sur « l’amour des commencements », en somme toute cette « pensée de l’inchoatif » qui est au cœur du projet humaniste de la Renaissance et dont les œuvres d’art incarnent les diverses rêveries. Pour les artistes, la figuration des origines est souvent inséparable des mythes de naissance de l’art et de la mise en scène du travail artistique lui-même s’exposant dans son processus de genèse qui, à la manière du monde, témoigne de son passage du chaos au cosmos, des « Ténèbres » à la « Lumière », de sa virtualité à son actualité, de son indétermination à son accomplissement.

Ce colloque souhaite ainsi interroger les multiples et diverses modalités d’approche et d’interprétation des origines au sein des arts figuratifs à la Renaissance.

Penser l’origine implique toutefois d’établir une distinction – qui ne saurait néanmoins constituer une nette séparation – entre un commencement originel, qui se confond avec la création du monde conçue en tant qu’événement initiant le temps historique, et les exercices symboliques de recréation qui lui succèdent. Ces phénomènes d’écho ou d’aemulatio se définissent par leur volonté manifeste de capter l’énergie primordiale du commencement originel ; énergie qui se voit convoquée au sein de discours aux orientations et aux finalités multiples mais qui se caractérisent avant tout par une exigence fondamentale : renouer avec une origine idéale et première qui permet en retour de penser le caractère présent des choses au sein d’une grande histoire unitaire du devenir cosmique.

À travers la question des origines, il s’agit ainsi d’aborder un large faisceau d’idées et de notions parmi lesquelles se distinguent avant tout celles de commencement et avec elle celle de genèse et de création du monde, en d’autres termes tout ce qui est considéré comme appartenant à un temps primordial qui se situe hors de l’histoire. Mais les origines invitent également à s’interroger sur les notions même d’histoire et de temps, de genèse et de prémices et même d’archaïsme – arkhè en grec signifiant notamment l’origine et le fondement d’une chose dans un temps reculé –, de noyau et de berceau, de cause et d’agent, de fondement et de moteur, de génération et de généalogie, d’ascendance et de descendance mais également de provenance, de parenté, de lignage et de lignée, de destinée ou encore d’originalité tels qu’ils peuvent se manifester dans la production visuelle tant d’un point de vue iconographique que par des ressorts moins évidents de prime abord, plus largement méta-iconographique.

On souhaite ainsi interroger dans toute sa complexité mais toujours en lien direct avec une approche et une réflexion sur les œuvres d’art la question des origines et des vicissitudes de son interprétation figurative à la Renaissance. Quelles sont les conditions d’émergence et d’existence d’un discours figuré sur les origines ? Y-a-t-il des thèmes, motifs ou figures qui invitent plus spécifiquement à une telle mise en scène ? Quelles sont les fins de la convocation de ces figures de l’origine ? On suggère ici plusieurs perspectives d’approche qui sans être exclusives baliseront les marges extérieures de ce colloque :

  1. Théologie et cosmogonie, ou l’étude des modalités par lesquelles les artistes approchent le problème de la représentation de la création du monde à partir des récits cosmogoniques – chrétiens et païens – et de leurs exégèses et relectures (Lumière et Ténèbres, Chaos, prima materia, séparation des Éléments, etc).
  2. La science des origines, ou les images mettant en scène l’ordre et l’organisation du monde créé mais également le travail de génération – la génétique – de la nature, nourries par des savoirs tels que la minéralogie, la botanique, la zoologie, la chimie et l’alchimie, la cosmographie ou encore l’astronomie (mappemondes, grottes artificielles, automates, Grottes).
  3. Origine de l’humanité et humanités originelles, ou la figuration des récits anthropogoniques (Adam et Ève, Prométhée animant l’homme, Deucalion et Pyrrha, le Golem, etc.) mais également la représentation de l’ « homme sauvage » (Pan, satyres et faunes, homme des bois, Amérindiens aux yeux des premiers Européens)
  4. La politique des origines, ou la représentation imagée des idéologies du pouvoir aspirant à mettre en scène les origines historiques de l’humanité d’une cité (mythe de caput mundi, âge d’or chrétien et renovatio ecclesiae, sabbat), d’un peuple (mythe de l’âge d’or, mito etrusco, etc.) ou d’un individu ( à l’occurrence Michel-Ange).
  5. Genèses artistiques et poïétique, ou l’étude des images jouant sur l’analogie entre la création du monde et le faire artistique tant dans le champ des récits humanistes de naissance de l’art que dans celui des images mettant en scène le processus et le travail de l’art.

Plutôt que de proposer un exposé général, on souhaite que la somme des interventions mettent en évidence un réseau dont les différentes orientations et ramifications, à l’endroit même de leurs intersections multiples, révèlent une tendance commune de l’art de la Renaissance, à savoir la méditation sur les potentialités poétiques des origines à même d’incarner une idéologie du temps nouveau.

Certains des phénomènes abordés dans ce colloque ont été étudiés depuis plusieurs décennies quand d’autres n’ont reçu que de discrètes attentions. Sans négliger l’importance d’un panorama général, les intervenants sont invités à s’engager sur des terrains inexplorés et inattendus qu’il s’agisse des œuvres et/ou des sources convoquées ou de la méthodologie mise en œuvre. Les candidatures de jeunes chercheurs comme de chercheurs confirmés sont acceptées.

Conditions de soumission

Les propositions de communication, en français ou en anglais, d’environ 300 mots, ainsi qu’un CV, sont à envoyerpar courrier électronique aux adresses suivantes :
sefy@post.tau.ac.il
florian.metral@gmail.com

avant le 1 er juin 2017

Comité organisateur

  • Florian Métral (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)
  • Philippe Morel (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)
  • Sefy Hendler (Université de Tel Aviv)

Comité scientifique

  • Francesca Alberti (Université de Tours)
  • Flavia Buzzetta (CNRS)
  • Stephen Campbell (Johns Hopkins University)
  • Giovanni Careri (EHESS)
  • Guillaume Cassegrain (Université de Grenoble)
  • Antonella Fenech (CNRS)
  • Sefy Hendler (Université de Tel Aviv)
  • Michel Jeanneret (Université de Genève)
  • Jerémie Koering (Paris IV / CNRS)
  • Florian Métral (Université Paris 1)
  • Philippe Morel (Université Paris 1)
  • Élinor Myara Kelif (Université Paris IV)
  • Ulrich Pfisterer (Université de Munich)
  • Stéphane Toussaint (CNRS)

Contact :

  • Florian Métral
    courriel : florian [dot] metral [at] gmail [dot] com