Le “Dieu gard” : enquête sur une forme poétique originale du XVIe siècle

Le “Dieu gard” : enquête sur une forme poétique originale du XVIe siècle

Journée d’étude

Hans von Aachen, "Deux hommes en train de rire", 1574, huile sur bois, Musée Archiépiscopal, Kromeriz (WGA)

Hans von Aachen, "Deux hommes en train de rire", 1574, huile sur bois, Musée Archiépiscopal, Kromeriz (WGA)

 

Journée d’étude organisée par Nina Mueggler (Université de Fribourg) et Jérémie Bichüe (LASLAR EA 4256, Université de Caen Normandie)

 

Lieu et dates de la journée d’étude : Caen, le 25 novembre ou le 2 décembre 2022.

 

Le projet de cette journée d’étude est né d’un constat simple : la présence récurrente de l’expression « Dieu gard » dans un certain nombre de textes poétiques français du XVIe siècle, le syntagme allant même jusqu’à figurer au titre du Dieu gard de Marot à son retour de Ferrare (1537). Au fil du siècle, les « Dieu gard » perdurent, laissant ainsi envisager l’existence d’une tradition qui traverse les générations poétiques.

La confidentialité de ces compositions et l’absence du « Dieu gard » dans les traités de poétique expliquent en partie le silence critique sur la question. La richesse du corpus jusqu’ici constitué a néanmoins suscité notre curiosité. Cette journée d’étude visera à déterminer les conditions d’existence d’un genre à géométrie variable, en se posant (par exemple) les questions suivantes :

– Comment passe-t-on de la formule consacrée au genre poétique ?

– Quels peuvent être alors les traits stylistiques communs et les enjeux linguistiques majeurs des « Dieu gard » tant au niveau de la syntaxe, du lexique, de l’énonciation que de la pragmatique ?

– Quelles sont les affinités des textes retenus avec des genres comme l’épître, l’élégie, le coq-à-l’âne ou même l’ode ? Quelle parenté avec les formes plus ou moins contemporaines de la salutation (saluts, congés, adieux) ou de l’éloge (ode, hymne) ?

– Nombreux sont les textes qui cultivent les effets d’oralité. Existe-t-il un lien entre les formes du « Dieu gard » et les différentes productions dramatiques de la fin du Moyen Âge et du début de la Renaissance (farces, moralités, monologue) ?

On pourra parallèlement s’interroger sur les contextes de composition et de diffusion des « Dieu gard ». Par exemple :

– À quels sujets se consacrent-ils (lieux, personnes, objets) ? Que l’on songe aux entrées urbaines ou à d’autres évènements politiques majeurs, dans quelle mesure relèvent-ils de la poésie de circonstance ?

– Quels liens surtout entretiennent-ils avec l’espace et le territoire ? De multiples « Dieu gard » se concentrent en effet sur la célébration des atouts d’une ville (Paris, Lyon, Chartres, Orléans, Genève…).

– Que se passe-t-il quand l’éloge se mue en blâme ? La question se pose avec urgence dans le cadre des querelles religieuses. Les contextes peuvent donc s’avérer sérieux ou ludiques (notamment lorsque le « Dieu gard » est lié à la joie et à la jubilation), sincères ou feints, charitables ou satiriques.

– Quel ethos le poète endosse-t-il dans le « Dieu gard » ? À qui le texte est-il adressé et pourquoi ?

– Enfin, à quel modèle éditorial répond-il ? Par le biais de quelle diffusion ? Peut-il s’agir d’une publication isolée ou s’insère-t-il toujours dans des recueils (individuels ou collectifs) ? Quels sont alors les publics visés ?

 

Les communications pourront au choix prendre la forme d’une approche d’ensemble ou d’une étude de cas et devront nous parvenir avant le 1er juin 2022. Les propositions relatives à des périodes antérieures ou postérieures sont les bienvenues. Pour tout renseignement complémentaire, n’hésitez pas à nous contacter aux adresses électroniques suivantes :

– jeremie.bichue@unicaen.fr

– nina.mueggler@unifr.ch

 

En l’absence d’une bibliographie critique de référence consacrée aux « Dieu gard », voici un premier relevé de textes susceptibles de faire l’objet d’une communication :

 

– Baïf, Jean Antoine de, Les Amours, II : « Dieu gard le bois, dieu gard l’ombre… » (Paris, veuve de Maurice La Porte, 1552).

– Beaulieu, Eustorg de, Chrestienne resjouyssance […], « Le Dieu Gard de l’auteur, à la Ville et aux Citoyens de Geneve […] » (Genève, Jean Girard, 1546) ; Les Divers rapportz, rondeau 8 « La personne a grand arrogance… » et chanson 11 « Bon jour, bon an, et bonne estraine… » (Paris, A. Lotrian, 1544).

– [Bade, Conrad ?], Comedie du pape malade, et tirant à la fin, « Prologue » (Genève, Conrad Bade, 1562), 6 occ.

– Des Autels, Guillaume, Repos de plus grand travail, « Dieu gard Moulin non pas à vent… » (Lyon, J. de Tournes et G. Gazeau, 1550).

– Fontaine, Charles, Les Nouvelles et Antiques merveilles, « Ode, pour Dieu gard à la ville de Paris » (Paris, Guillaume le Noir, 1554).

– Fontaine, Charles, Les Ruisseaux, « Le Dieu Gard à la ville de Lyon, faict l’an 1540 » ; « L’Adieu à ladite ville » ; « Le Dieu gard à la ville de Paris » ; « Ch. Fontaine salue la ville de Bourges » ; « Autre, sur le propos de sa bougette […] » (Lyon, T. Payen, 1555) et autres occ. dans ses œuvres (http://chfontaine.huma-num.fr/projet/presentation).

– Habert, François, Le Temple de Chasteté, « Autre Cantique d’estraine et de joye à la Royne estant pour lors Daulphine » (Paris, M. Fezandat, 1549).

– Habert, François, Le Dieu Gard de la ville de Paris, à Monseigneur de Guise […] (Paris, veuve de P. Attaingnant, 1558).

– La Tour d’Albenas, François Béranger de, Le Siecle d’or, « A Ysnard du coq en l’ane » (Lyon, J. de Tournes et G. Gazeau, 1551), 3 occ.

– Magny, Olivier de, Hymne sur la naissance de Madame Marguerite de France […], « Fantasie » (Paris, Arnoul L’Angelier, 1553), 4 occ.

– Marot, Clément, Le Dieu gard de Marot à son retour de Ferrare […] (Paris, Pierre Sergent, 1537) et d’autres occ. dans son œuvre. Voir aussi, dans la même éd. le « Huictain du lassé de repos disant Dieu gard audit Clement Marot » (J. Chaperon).

– Navières, Charles de, Le Dieu-gard de Navyere à l’imprimerie sedanoise (Sedan, G. Goebens ?,1565).

– Le Fè̀vre De La Boderie, Guy, La Galliade (Paris, G. Chaudiere, 1578), 1 occ.

– Passerat, Jean, Recueil des oeuvres poetiques, « Autres Estrennes » (Paris, Claude Morel, 1606), 4 occ.

– Prevosteau, Jacques de, Description des appareilz, arcs triumphaux, « Hymne triumphal […] » (Paris, G Nyverd, 1571), 3 occ.

– Rabelais, François, Pantagruel, chap. 12 « Comment Pantagruel enseigne une maniere bien nouvelle… », 3 occ.

– Ronsard, Pierre, Les Quatre Premiers Livres des Odes, IV, 13 : « Dieu te gard l’honneur du printens… » (Paris, G. Cavellat, 1550) ; Les Amours, « Bacchanales […] » (Paris, veuve de Maurice de La Porte, 1552), 1 occ ; « Ode à Michel de L’Hospital », strophe 16, 1 occ. ; Œuvres, « Odes », IV, 21 : « Dieu vous gard, messagers fidelles… » (Paris, G. Buon, 1584).

– Sagon, François de, Deffense de Sagon contre Marot, « Le dieugard de Sagon à Marot de nouveau retourné en France » (Paris, P. Vidoue, 1537).

– [Anonyme], « Chanson du Prince de Condé » [1563 ?] : « Dieu gard de mal le petit homme ». Voir Chansonnier Huguenot, H. L. Bordier (éd.), Paris, Tross III, p. 250.