Les protestantismes en Lorraine (XVIe-XXIe siècle), 3-4 novembre 2016, Nancy

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    01/02/2016, 00:00

La Lorraine est souvent présentée dans l’historiographie comme une terre de catholicité, voire une « frontière de catholicité » (Pierre Chaunu). On sait que cette vision globalisante dissimule une réalité bien plus complexe, tant au niveau de l’espace que de la temporalité, lorsque l’on évoque la question du protestantisme en Lorraine. La définition même de l’espace ne peut se résumer à la seule acception de « Lorraine », qui recouvre de manière entendue la Lorraine ducale. Aborder l’histoire du protestantisme en Lorraine exige d’inclure les Trois-Évêchés, comme le montrent les travaux anciens d’Henri Tribout de Morembert et ceux plus récents de Julien Léonard ; de même, on ne peut négliger les enclaves d’Empire qui forment d’autres pôles de développement du protestantisme, dans un contexte politique différent de celui des duchés lorrains (Laurent Jalabert, Gaëtan Dechoux). D’ailleurs, on notera, à la suite des travaux d’Hugues Marsat sur la frontière occidentale des duchés, au contact de la Champagne, qu’au sein même de la Lorraine ducale, on ne peut nier l’essor de petites communautés protestantes qui survivent, pour certaines, jusqu’au début du XVIIe siècle. Enfin, on sait que dans l’entourage même du duc, il y a pu avoir des protestants, certes en petit nombre, comme autour de l’épouse du fils de Charles III, Catherine de Bourbon ; de même, au XVIIIe siècle, des protestants sont signalés à la cour de Lunéville. Situé au carrefour de circulations des hommes, des livres et des idées, l’espace lorrain est nécessairement soumis à de nombreuses influences et permet aussi de suivre différents parcours individuels au sein des communautés protestantes.

Ce rapide panorama permet de voir qu’à l’époque moderne, dans l’espace lorrain, le protestantisme est une réalité avec laquelle doivent compter les ducs de Lorraine et le roi de France dans le contexte des Trois-Évêchés, mais aussi des Réunions et de l’occupation des enclaves d’Empire. On devine également l’importance de la frontière politique et de règles confessionnelles différentes qui sont autant d’outils du maintien des protestantismes dans l’espace lorrain. Par ailleurs, il s’agit bien d’employer le pluriel pour aborder l’histoire des protestants et du protestantisme dans l’espace envisagé. En effet, on voit bien l’ancrage calviniste en certains lieux, comme à Metz et dans le Pays messin, mais aussi du luthéranisme dans les enclaves d’Empire. De même, on ne peut s’en tenir à la seule évocation des principales confessions protestantes : sur les marges orientales des duchés, il y a eu dès l’époque moderne l’implantation de familles anabaptistes en terre ducale. Cela nous appelle à ouvrir le champ de l’étude sur les minorités protestantes et aussi sur une chronologie plus large, incluant l’époque contemporaine.

En effet, la période révolutionnaire et l’Empire constituent une charnière importante pour l’histoire du protestantisme en France et évidemment dans l’espace lorrain, d’autant plus qu’il y a eu l’intégration politique des enclaves d’Empire dans la République française en 1793. Avec les nouvelles frontières étatiques qui se dessinent puis se stabilisent en 1815, avant la nouvelle rupture de 1870-1871, avec les nouvelles relations entre l’État, les Églises et les confessions (Concordat et articles organiques), s’ouvre une nouvelle ère pour les protestantismes en Lorraine : celle de l’institutionnalisation dont les marqueurs, comme les temples et les cimetières, sont encore visibles de nos jours. Il convient dès lors de regarder de plus près l’histoire de ces protestantismes, en y incluant les diverses minorités, au moins pour un long XIXe siècle. Il faut en effet intégrer la nouvelle donne liée à l’annexion de l’Alsace-Moselle en 1871 : la présence de garnisons protestantes – réalité déjà repérable en certaines villes au XVIe siècle – favorise l’implantation de nouveaux temples (Metz, Saint-Avold, etc.), et donne une autre lisibilité au protestantisme. Dans la Lorraine restée française, la loi de 1905 modifie les rapports de force. Des travaux ont déjà abordé en partie ces questions, mais il faudrait vraisemblablement aller plus loin.

L’objet de la rencontre sera de dresser un bilan de notre connaissance de l’histoire de ces protestantismes dans l’espace lorrain, entre la naissance des premières communautés jusqu’à leur institutionnalisation dans le paysage religieux dont nous sommes aujourd’hui témoins. Mais il sera aussi important de lancer de nouvelles perspectives de recherches pour les années à venir. Il s’agit par exemple d’interroger les identités religieuses de la Lorraine au sein de la « dorsale catholique » (René Taveneaux), pour dépasser les lieux communs et montrer les réalités de l’enracinement protestant : on ne peut comprendre l’essor des protestantismes à la fin de l’Ancien Régime si l’on n’accepte pas l’idée d’une Lorraine pluriconfessionnelle, si ce n’est institutionnellement, mais au moins dans la réalité des individus.

Plusieurs axes et thèmes doivent être retenus :

  • La diversité des protestantismes en Lorraine (à la fois du point de vue confessionnel et du point de vue géographique).
  • Les moments charnières et les ruptures (la Réformation, la révocation de l’édit de Nantes, la Révolution française, le Concordat et les articles organiques, l’annexion de 1871, la loi de 1905, etc.)
  • La question des minorités (statut juridique, coexistence avec les autres confessions, identités).
  • L’originalité éventuelle (ou au contraire l’absence d’originalité) de la façon d’être protestant ou de vivre son protestantisme dans l’espace lorrain.
  • Les nouvelles formes de protestantisme (époque contemporaine), ainsi que leurs rapports avec les anciennes formes.
  • L’Église catholique et les protestantismes (XVIe-XXIe siècles).
  • Les figures et les lieux protestants en Lorraine : temples, cimetières, « lieux de mémoire » et sources mémorielles, dirigeants emblématiques, sociologie des pasteurs et des laïcs.

La manifestation se tiendra à Nancy les 3 et 4 novembre 2016.

Organisation et envoi des propositions (avant le 1er février 2016) : Laurent Jalabert et Julien Léonard(Université de Lorraine, CRULH)

Comité scientifique : Philip Benedict (Université de Genève, IHR), Céline Borello (Université de Haute Alsace, CRESAT), Nicolas Champ (Université Bordeaux Montaigne, CEMMC), Christophe Duhamelle (EHESS, CRH), Sébastien Fath (CNRS, GSRL), Yves Krumenacker (Université de Lyon – Jean Moulin, LARHRA), Stefano Simiz (Université de Lorraine, CRULH).

Comité d’honneur : Pierre Bronn (président du conseil presbytéral de la paroisse réformée du Temple Neuf, Metz, ÉPRAL) et Geoffroy Perrin-Willm (pasteur, Nancy, ÉPUF).