Revue Diasporas – Morts et sépultures, XVIe-XXIe siècles (novembre 2017)
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End date:15/01/2016, 00:00
Rendre à la mort la place qui lui revient dans l’histoire des diasporas permet de penser à nouveaux frais à la fois l’humanité même des parcours migratoires, et l’ensemble des constructions contingentes (à la fois juridiques, politiques et économiques) qui situent le phénomène diasporique dans ses différents environnements. C’est ce double enjeu que ce projet d’enquête collective entend interroger, à travers un questionnaire transpériode et interdisciplinaire sur la place de la mort dans les diasporas aux époques moderne et contemporaine. Sont sollicitées toutes les approches possibles : vues d’ensemble(s), études de lieux d’implantation particuliers, analyses sur la longue durée ou autour d’un épisode-clé.
Axes thématiques
Le premier temps de la réflexion collective sera constitué par une réunion de travail prévue en juin 2016 à Toulouse, et le second par la publication d’un dossier dans la revue Diasporas. Trois axes d’analyse sont suggérés, qui ne visent pas à canaliser l’originalité des approches, mais seulement à jalonner les étapes de la réflexion collective.
1. Les diasporas à l’épreuve de la mort
Le décès des personnes met à l’épreuve les diasporas en les contraignant à se confronter aux univers normatifs comme aux pratiques et aux coutumes des sociétés dans lesquelles elles s’inscrivent. En témoigne la fréquente prise en charge par les communautés diasporiques de la recherche de lieux de sépulture, du financement des inhumations ou encore de l’encadrement des rituels funéraires. Derrière ces simples mesures répondant à l’injonction de parer au plus pressé, se lit pourtant la réinscription des diasporas dans une altérité dont le contenu se trouve sans cesse renégocié. Le fait de « gagner sa place » ou même de « s’installer » ici ou là, commande la nécessité de le faire également dans l’au-delà, au prix de luttes parfois féroces qui souvent fédèrent les communautés diasporiques – voire les diasporas tout entières dans un élan transnationale.
2. Sépultures en terre étrangère
Si la mort interroge le rapport des diasporas à l’espace et au temps, la sépulture sécrète des formes d’appartenance voire d’identification à des territoires donnés et à des moments spécifiques du processus migratoire. Alors que la diaspora marque une discontinuité voire une rupture dans l’expérience des migrants, le « souci des sépultures, propre aux migrants ayant laissé leurs morts derrière eux » (Bordes-Benayoun) participe d’un nécessaire rétablissement de la cohérence par-delà le(s) départ(s). Mais cette question dépasse la seule association entre la terre perdue et les sépultures laissées derrière soi, pour se déployer dans le temps long de l’expérience migratoire. À travers la question des sépultures, c’est donc un ordonnancement du monde qui se joue/noue, et qui scande les parcours migratoires selon des modalités sans cesse renouvelées. Le fait d’avoir un aïeul ou un proche enterré dans tel lieu génère ainsi non seulement une généalogie de la migration, mais également une familiarité avec ledit lieu qui se passe même de connaissance sensible. Inversement, certaines pratiques funéraires visent à reconstituer une communauté que l’on représente comme disloquée par l’expérience diasporique : visitant la vallée de Josaphat au cours de son Itinéraire de Paris à Jérusalem, Chateaubriand affirme que « les Juifs viennent y mourir des quatre parties du monde ».
3. Corps mobiles
L’opération d’exhumation puis de déplacement et de transport – voire de véritable « migration » – des corps s’inscrit à la fois dans un au-delà de la mort et dans le temps long du fait funéraire. Les mobiles peuvent être divers. Ainsi de la mère du capitaine grec Boundouris, qui finit par obtenir en 1824 que le corps de son fils lui soit rendu pour être réinhumé dans son île natale d’Hydra. À l’autre bout du prisme, on retrouve cet attachement à la terre non pas d’origine, mais d’accueil, notamment à travers la pratique des ossuaires, ou encore du déplacement du cadavre des « grands hommes ». Au-delà de l’anecdote, ce qui se joue ici relève de l’inscription de l’expérience diasporique dans les corps des morts, à travers leur réappropriation sur un mode singulier ou collectif par la communauté des vivants.
Calendrier et informations pratiques
- La date limite de réception des propositions d’articles (max. 500 mots) est fixée au 15 janvier 2016.
La revue accepte les propositions en français ou en anglais (native speaker).
- Juin 2016 (date à préciser) : réunion de travail à Toulouse
- Février 2017 : réception des articles (45 000 signes)
- Novembre 2017 : sortie du numéro thématique
Coordinateurs du numéro thématique
- Jérémie Foa (Aix-Marseille Université / TELEMME), jeremie.foa@univamu.fr
- Mathieu Grenet (INU Champollion, Albi / FRAMESPA), mathieu.grenet@univ-jfc.fr