Jean-Michel Rietsch – L’aventure, une catégorie intellectuelle. Du médecin aventurier au médecin expérimentateur nomade

Cette section constitue la partie 4 de 13 du numéro
LE VERGER - Bouquet XXIV : L'aventure à la Renaissance

Jean-Michel Rietsch (Université de Haute-Alsace)

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Johannes Geiler von Kayserberg, Navicula sive speculum fatuorum, Strasbourg, 1511. Bibliothèque humaniste de Sélestat, K 99.

Les incessants déplacements du médecin suisse Paracelse (1493-1541) font de lui un aventurier peu fréquentable aux yeux du corps médical de son temps. Or, c’est précisément tout le mal qu’il pense de ses collègues. Ce jeu de mutuelle accusation semble paradoxal. En tout cas, il met au jour la nécessité de bien définir l’aventure. Une de ses déclinaisons, selon Paracelse, est incarnée par ces médecins humanistes formés dans les universités italiennes et françaises. Ces aventuriers sont nuisibles. Ils se propagent à travers l’Europe à la manière d’une épidémie et viennent corrompre l’Allemagne. Pour Paracelse, en effet, les théories médicales héritées de l’Antiquité sont erronées. Elles sont désormais inadaptées à leur temps et à leurs lieux. De ce fait, elles sont au mieux inutiles au pire nocives. Il est donc une autre aventure qui se révèle au travers d’un nomadisme purgé de son erreur intellectuelle humaniste. Le voyage y revêt une dimension didactique puisqu’il permet l’acquisition d’un savoir médical. L’aventurier se voit alors sublimé au travers du « parcoureur expérimental de pays », le « lantfahrer ». Car son « wandeln » recouvre tant le champ du migrare que celui du mutare. Le bon aventurier est un praticien qui ne se laisse pas enfermer dans des savoirs caducs puisqu’il épie l’apparition des maladies, en un perpétuel apprentissage à la surface du monde. L’aventurier apparaît, en ce cas, sous les traits d’un voyageur éclairé, homologue de l’apôtre. En perpétuel mouvement, il transforme le monde autour de lui : il soigne et met en pratique le message christique qui sauve les corps et les âmes.

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